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De l'autre côté du miroir
2 février 2011

Andromaque par Muriel Mayette

Jusqu'au 14 février prochain, la Comédie Française redonne vie à une des plus célèbre pièces de Racine. Une remise à l'honneur grâce à la vision de Muriel Mayette, qui offre la part belle au texte et à l'expression des sentiments.

 

187485_andromaque_une_jpg_83601La guerre a pris fin, ne laissant qu'un champ de ruines. Dans le palais de Pyrrhus, fils victorieux d'Achille, quatre personnages tentent de tourner la page et d'avancer. Un quatuor amoureux, une véritable chaîne qui ne cesse de se défaire et refaire. Pyrrhus, roi d'Epire, retient captive Andromaque, la veuve du troyen Hector, ainsi que son fils Astyanax. Pyrrhus aime Andromaque, mais cette dernière, fidèle à son peuple et au souvenir de son mari, se refuse à lui. Hermione, promise à Pyrrhus, est follement amoureuse de lui. Dédaignée par le souverain, elle est indifférente à Oreste, ancien promis qui n'a d'yeux que pour elle. Andromaque et Oreste sont les maillons externes de la chaîne, Pyrrhus et Hermione les maillons internes. Il suffit qu'Andromaque refuse à nouveau Pyrrhus pour que celui-ci se tourne de dépit vers Hermione, au desespoir d'Oreste. Mais un seul mot de la troyenne et Pyrrhus abandonne Hermione, qui se retourne alors vers Oreste pour la joie de ce dernier. Un déséquilibre perpétuel caractérise ainsi la chaîne de personnages. Une valse des coeurs, entre des protagonistes qui ne savent jamais totalement sur quel pied danser. Mais cette chaîne ne serait pas complète sans un cinquième personnage : Hector. Tué par Achille, celui-ci hante paradoxalement la pièce de sa présence.

 

Dans le rôle d'Andromaque, le choix de Cécile Brune – récemment à l'affiche de Fantasio – surprend : la voix grave de198972_andromaque_une_jpg_95308 l'actrice, son image, semblent tout d'abord en décalage avec le rôle. Mais, peu à peu, l'actrice convaint, campant une Andromaque ferme et maitresse d'elle-même malgré les menaces qui pèsent sur son fils. Eric Ruf est quant à lui un Pyrrhus imposant et majestueux en dépit des tourments qu'il traverse, partagé entre son désir de renouveau et de réconciliation et le poids du passé, trop lourd à porter. Mais les deux interprétations les plus impressionnantes sont celles des deux comédiens les plus jeunes de la distribution. Incarnant Hermione, Léonie Simaga interprète avec fougue la passion de la jeune femme et se révèle touchante dans l'expression de sa souffrance et des revirements qui bousculent sa destinée. Sa diction espacée, étonnante au début, permet de mettre en valeur les vers raciniens. Enfin, à la majesté de Pyrrhus s'oppose la folie d'Oreste mise en avant par le jeu de Clément Hervieu-Léger, troublant en personnage excessif poussé aux extrémités par ses sentiments. Les seconds rôles ne sont pas en reste.

 

Andromaque_Christophe_Raynaud_de_Lage_682x1024La mise en scène de Muriel Mayette, administratrice de la Comédie Française, frappe par sa sobriété, à la limite de la froideur. Un unique décor ici : un palais de marbre et ses gigantesques colonnes qui ne laissent que peu de place aux personnages qui se perdent émotionnellement dans le lieu. Autour de ces colonnes, symboles de la puissance du destin face à la misère des hommes, les protagonistes s'agitent, s'aiment, se déchirent. Les colonnes se font tantôt appui, tantôt lieu intime de confidences. Elles sont au fond les seules à se tenir encore droites dans ce palais où tous les personnages ne font que chanceler tour à tour, changeant d'avis, trahissant même leurs idéaux. Si le décor est imposant, les costumes se font quant à eux légers, évoquant clairement le drapé antique. Leur simplicité symbolise le mouvement, le désir des personnages d'avancer. Tel le vent qui parcourt par moments les toiles du palais comme un souffle nouveau, rendant également compte de la fragilité de la structure. Peu de grands effets scéniques ici, mais l'essentiel. A plusieurs reprises, la luminosité évolue, les lueurs du soleil et la relative pénombre se succédant à tour de rôle. Ces choix artistiques sobres permettent de se concentrer sur le plus important : le texte de la pièce. La simplicité du plateau invite en effet le spectateur à se focaliser sur les alexandrins de Racine et sur la force qu'ils déploient. Tantôt murmurés, tantôt déclamés , parfois même criés, chaque personnage exprimant tour à tour son malheur. Peu de mises en scène attirent autant l'attention aujourd'hui sur la beauté d'un texte classique, sur ses intonations et ses sonorités.  La musicalité des vers, le souffle du verbe, sont ici soulignés par l'instrumental qui ne cesse d'être présent du début à la fin.  Le tout se révèle un peu déstabilisant, parfois un peu dur à suivre, mais intéressant et émouvant.


La froideur du marbre s'oppose en effet à la passion des personnages, à la limite de la folie. Oreste d'ailleurs y basculelever_de_rideau_1_muriel_mayette_monte_andromaque_M44825 totalement lorsque Hermione parvient réellement à le persuader de tuer Pyrrhus. Pour la 2ème fois après l'assassinat d'Egisthe et Clytemnestre, le jeune homme se retrouve être le bras armé d'une jeune femme désireuse de se venger. Trompé par Hermione, n'ayant pas su discerner le discours mensonger d'un coeur blessé, le jeune homme part à nouveau, une seconde fois chassé à la suite de son action meurtrière. C'est avec son départ que se conclut la pièce. Pyrrhus a été assassiné. Hermione s'est donnée la mort. Oreste n'est plus qu'une ombre. Seule demeure Andromaque. Cette dernière a su préserver son fils et est demeurée fidèle à son peuple et à sa cause. De captive, elle est devenue reine.


Christine Brion.


 

Crédits photographiques :

-1ère et 3ème photos : Christophe Raynaud de Lage.

- 2ème :Pacôme Poirier /Wikispectacle.

- 4ème : Pascal Gely, Enguerand. 

 

Liens :

- site de la Comédie Française

- reportage du JT de TF1

- reportage de France 3


 

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