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De l'autre côté du miroir
30 mars 2010

''Le Portrait de Dorian Gray'', le chef-d'oeuvre d'Oscar Wilde

Quelques mots sur une des plus belles oeuvres de la littérature britannique, un petit chef-d'oeuvre de l'époque victorienne : Le Portrait de Dorian Gray.

The Picture of Dorian Gray est le seul roman écrit par l'écrivain dandy Oscar Wilde, et demeure sans doute sa plus belle oeuvre.

Contexte de parution de l'oeuvre

  A l'image de nombreux romans du XIXème siècle, Le Portrait de Dorian Gray parut tout d'abord en feuilleton avant180px_Lippincott_doriangray d'être publié sous la forme d'un roman. A l'origine de la parution en feuilleton, une rencontre, entre Wilde et l'américain J.M Stoddart, qui réussit en 1889 à convaincre l'auteur de collaborer à son journal Lippincott's Monthly Magazine. Le roman parut quant à lui un an plus tard, chez Blackett.      

   Loin de passer inaperçu, Le Portrait de Dorian Gray provoqua dès sa publication en feuilleton une véritable campagne d'opposition. On put notamment lire dans The Scots Observer, journal écossais : "Le Portrait de Dorian Gray' est du faux art car il est d'intéret médico-légal ; il est faux pour la nature humaine, car son héros est un monstre. Mr Wilde a de l'esprit, de l'art, du style. Mais, s'il ne peut écrire que pour les nobles hors-la-loi et les petits télégraphistes pervertis, plus tôt il prendra le métier de tailleur mieux cela vaudra pour sa réputation personnelle et la moralité publique."... Ce ne fut en réalité qu'en France que Wilde reçut par la suite un accueil chaleureux, y devenant 'l'auteur du 'Portrait de Dorian Gray'. Comme souvent dans l'histoire de l'art, ce ne fut qu'après sa mort que l'auteur fut reconnu pour son génie dans sa patrie d'adoption, l'Angleterre victorienne.


Résumé du roman

Lord Henry, jeune aristocrate, rend visite à son ami, le peintre Basil Hallward. Il y fait la connaissance d’un jeune homme de dix-sept ans d’une très grande beauté, Dorian Gray. Celui-ci est le modèle de la nouvelle toile du peintre. Fasciné par les conseils de Lord Henry, qui recommande à Dorian de profiter à tout prix de sa jeunesse et de sa beauté, ce dernier fait le vœu que ce soit le portrait qui vieillisse à sa place...

Attention! Pour ceux qui ne connaissent pas le roman et préfèrent découvrir la fin par eux-mêmes, sautez le paragraphe suivant!

Dorian commence à fréquenter les quartiers misérables de Londres. Il tombe bientôt amoureux d’une jeune actrice âgée de seize ans, Sibyl Vane. Il emmène alors Lord Henry et Basil au théâtre ou se produit la jeune fille pour leur démontrer le talent de celle qui est devenue sa fiancée. Mais il se rend compte le soir même que celle-ci est devenue incapable de jouer correctement. Dorian, déçu par la jeune fille, rompt avec elle. Le lendemain, il s’aperçoit que le tableau porte la trace de son méfait et décide alors de se faire pardonner auprès de Sibyl. Mais il est trop tard : celle- ci s’est suicidée, lui apprend Lord Henry. Dorian change alors de comportement, poussé par Lord Henry à dépasser le « malheureux incident ». Les années passent, Dorian adoptant une attitude de plus en plus dépravée, tandis qu’en société, les pires rumeurs se font entendre sur lui. A la veille de son 38ème anniversaire, Dorian croise Basil, qui s’apprête à partir pour Paris. Celui-ci lui confie ses inquiétudes à propos des rumeurs qui circulent sur lui. Dorian en vient à montrer le portrait à Basil qui, horrifié, encourage son ami à se repentir. Mais celui-ci, dans un accès de folie, poignarde Basil. Puis il fait chanter Allan Campbell, célèbre physicien qui fut autrefois son ami, pour que celui-ci fasse dissoudre le corps, ce après quoi Allan se suicide. Lors d’une de ses soirées dans l’un des quartiers sordides de Londres, Dorian se voit menacé par James Vane, le frère de Sibyl, qui cherche depuis plusieurs années à venger sa sœur. Mais il est trompé par la jeunesse de Dorian et, croyant avoir à faire à un innocent, il le laisse partir. Apprenant la vérité, James suit Dorian qui se rend dans sa demeure à la campagne. Il est tué au cours d’une partie de chasse. Dorian, rentré à Londres, décide de se débarrasser du portrait qui est selon lui responsable de sa perte. Mais alors qu’il poignarde la toile, un événement extraordinaire se produit : c’est lui-même qui périt sous le coup du couteau. Les domestiques, ayant entendu un cri, se précipitent, et découvrent la toile qui a retrouvé sa pureté originelle, tandis que le corps de leur maître est celui d’un vieillard d’une laideur repoussante.

Un roman fascinant

DiaporamaGRAY_099Si Le Portrait de Dorian Gray est souvent qualifié de récit fantastique, il est aussi, et surtout, bien plus que cela. Le côté fantastique de l'intrigue ne semble pour Wilde qu'un support, utilisé à d'autres fins. Le roman comprend en effet une dimension quasi-philosophique et éclaire par bien des aspects la personnalité complexe de son auteur. Wilde disait d'ailleurs à propos de son oeuvre : "Ce roman d'étrange apparence contient beaucoup de moi-même. Basil Hallward est ce que je crois être ; Lord Henry, ce que le monde me croit ; Dorian, ce que je voudrais être, dans d'autres circonstances peut-être."

Le récit regorge de thèmes chers à Wilde et au courant du dandysme dans son ensemble, tels entre autres la beauté, la jeunesse, l'hédonisme et l'ambivalence sexuelle. La préface, tout aussi connue que le récit lui-même, constitue d'ailleurs un réceptacle de quelques unes des conceptions provocatrices de l'auteur. La voici, en langue originale, s'il vous plait!

"The artist is the creator of beautiful things. To reveal art and conceal the artist is art's aim. The critic is he who can translate into another manner or a new material his impression of beautiful things.

The highest as the lowest form of criticism is a mode of autobiography. Those who find ugly meanings in beautiful things are corrupt without being charming. This is a fault.

Those who find beautiful meanings in beautiful things are the cultivated. For these there is hope. They are the elect to whom beautiful things mean only beauty.

There is no such thing as a moral or an immoral book. Books are well written, or badly written. That is all.

The nineteenth century dislike of realism is the rage of Caliban seeing his own face in a glass.

The nineteenth century dislike of romanticism is the rage of Caliban not seeing his own face in a glass. The moral life of man forms part of the subject-matter of the artist, but the morality of art consists in the perfect use of an imperfect medium.

No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved. No artist has ethical sympathies. An ethical sympathy in an artist is an unpardonable mannerism of style. No artist is ever morbid. The artist can express everything.

Thought and language are to the artist instruments of an art. Vice and virtue are to the artist materials for an art. From the point of view of form, the type of all the arts is the art of the musician. From the point of view of feeling, the actor's craft is the type. All art is at once surface and symbol. Those who go beneath the surface do so at their peril.

Those who read the symbol do so at their peril. It is the spectator, and not life, that art really mirrors. Diversity of opinion about a work of art shows that the work is new, complex, and vital. When critics disagree, the artist is in accord with himself. We can forgive a man for making a useful thing as long as he does not admire it. The only excuse for making a useless thing is that one admires it intensely.

All art is quite useless."

Le Portrait de Dorian Gray s'inscrit au sein du Symbolisme, mouvement artistique apparu en France vers le dernierportrait_de_dorian_gray_dorian_janon tiers du XIXème siècle et qui touche notamment en grande partie la poésie de l'époque.  Le roman A rebours de Huysmans, source d'inspiration pour Wilde, fait partie des oeuvres à l'esthétique symboliste. Rejetant le réalisme et le naturalisme, les symbolistes ont comme dessein l'expression des impressions et des sensations davantage que la réalité objective du monde environnant. L'écriture de Wilde repose davantage sur la suggestion que sur la monstration. Le 1er chapitre illustre bien ce fait. Dès le début du roman, le lecteur pénètre dans un monde de sensations, à l'atmosphère particulière, fascinante mais aussi vénéneuse. Voici ainsi le tout début du roman :

"The studio was filled with the rich odour of roses, and when the light summer wind stirred amidst the trees of the garden, there came through the open door the heavy scent of the lilac, or the more delicate perfume of the pink-flowering thorn.

From the corner of the divan of Persian saddle-bags on which he was lying, smoking, as was his custom, innumerable cigarettes, Lord Henry Wotton could just catch the gleam of the honey-sweet and honey-coloured blossoms of a laburnum, whose tremulous branches seemed hardly able to bear the burden of a beauty so flamelike as theirs; and now and then the fantastic shadows of birds in flight flitted across the long tussore-silk curtains that were stretched in front of the huge window, producing a kind of momentary Japanese effect, and making him think of those pallid, jade-faced painters of Tokyo who, through the medium of an art that is necessarily immobile, seek to convey the sense of swiftness and motion.

The sullen murmur of the bees shouldering their way through the long unmown grass, or circling with monotonous insistence round the dusty gilt horns of the straggling woodbine, seemed to make the stillness more oppressive. The dim roar of London was like the bourdon note of a distant organ. "


DiaporamaGRAY_022Au sein du roman même, la plupart des conceptions de l'auteur sont développées par le biais du personnage de Lord Henry Wotton, pygmalion maléfique mais attirant de Dorian. C'est en effet à ce personnage que sont rattachés quelques-uns des plus beaux passages du récit, et notamment son fameux discours à l'adresse de Dorian lors de leur rencontre. Ce discours influence radicalement le destin de ce dernier puisqu'il est à l'origine du voeu prononcé par le personnage, et donc indirectement à l'origine de la déchéance de ce dernier.

  Parmi ces superbes passages, qui méritent d'être lus en langue originale pour pleinement apprécier la beauté du style, en voici quelques-uns, issus des échanges entre Lord Henry Wotton et Dorian Gray :

"There is no such thing as a good influence, Mr. Gray. All influence is immoral--immoral from the scientific point of view." 

"Why?" 

"Because to influence a person is to give him one's own soul. He does not think his natural thoughts, or burndoriangrayvioloniste with his natural passions. His virtues are not real to him. His sins, if there are such things as sins, are borrowed. He becomes an echo of some one else's music, an actor of a part that has not been written for him. The aim of life is self-development. To realize one's nature perfectly -- that is what each of us is here for. People are afraid of themselves, nowadays. They have forgotten the highest of all duties, the duty that one owes to oneself. Of course they are charitable. They feed the hungry, and clothe the beggar. But their own souls starve, and are naked. Courage has gone out of our race. Perhaps we never really had it. The terror of society, which is the basis of morals, the terror of God, which is the secret of religion  - these are the two things that govern us." 

"And yet," 

continued Lord Henry, in his low, musical voice, and with that graceful wave of the hand that was always so characteristic of him, and that he had even in his Eton days, 

"I believe that if one man were to live out his life fully and completely, were to give form to every feeling, expression to every thought, reality to every dream -- I believe that the world would gain such a fresh impulse of joy that we would forget all the maladies of mediaevalism, and return to the Hellenic ideal-- to something finer, richer than the Hellenic ideal,it may be." 

doriangraypeuple"But the bravest man amongst us is afraid of himself. The mutilation of the savage has its tragic survival in the self-denial that mars our lives. We are punished for our refusals. Every impulse that we strive to strangle broods in the mind and poisons us. The body sins once, and has done with its sin, for action is a mode of purification. Nothing remains then but the recollection of a pleasure, orthe luxury of a regret. The only way to get rid of a temptation is to yield to it. Resist it, and your soul grows sick with longing for the things it has forbidden to itself, with desire for what its monstrous laws have made monstrous and unlawful. It has been said that the great events of the world take place in the brain." 

It is in the brain, and the brain only, that the great sins of the world take place also. You, Mr. Gray, you yourself, with your rose-red youth and your rose-white boyhood, you have had passions that have made you afraid, thoughts that have filled you with terror, day-dreams and sleeping dreams whose mere memory might stain your cheek with shame --"


Et le célèbre monologue de Lord Henry Wotton sur la jeunesse :

"You have the most marvelous youth, and youth is the one thing worth having.… Someday when you are old andDG2008deuxmasques_0037 wrinkled and ugly, when thought has seared your forehead with its lines and passion branded your lips with its hideous fires, you will feel it. You will feel it terribly. Now, wherever you go you charm the world. Will it always be so? You have a wonderfully beautiful face, Mr. Gray.…And beauty is a form of genius-is higher, indeed, than genius, as it needs no explanation. It is one of the great facts of the world, like sunlight or springtime or the reflection in dark waters of that silver shell we call the Moon. It cannot be questioned. It has its divine right of sovereignty. It makes princes of those who have it. You smile-ah, when you have lost it you won't smile. People say sometimes that beauty is only superficial. That may be so, but at least it is not so superficial as thought is. To me, beauty is the wonder of wonders. It is only shallow people who do not judge by appearances. The true mystery of the world is the visible, not the invisible."

En espérant que ces quelques lignes vous donnent envie de lire ou redécouvrir un des romans, à mon sens, les plus fascinants de la littérature du XIXème siècle...


Christine Brion.

Images :

- Couverture du Lippincott's Monthly Magazine. Source : wikipedia.

- ''Le Portrait de Dorian Gray'', peinture de l'artiste Dorian Janon.

- Photographies issues du spectacle musical ''Le Portrait de Dorian Gray'' créé le 5 septembre 2008 au Théâtre Barnabé de Servion, près de Lausanne. Décors de style expressionniste créés par Béatrice Lipp.

Liens :

- sur le Symbolisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Symbolisme_(art)

- Extrait audio de ''Le Portrait de Dorian Gray'' :   http://www.youtube.com/watch?v=UsRP-YUS_kg

Il existe en anglais une très belle version, lue par l'acteur Rupert Graves.

- Site des manifestations autour de ''Le Portrait de Dorian Gray'' ayant eu lieu lors de la création du spectacle de septembre 2008 en Suisse au Théâtre Barnabé de Servion :  http://www.aragos.ch/doriangray.htm 

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