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De l'autre côté du miroir

4 mai 2012

Akseli Gallen-Kallela : une passion finlandaise

 Plus qu’un week-end pour visiter l’exposition consacrée par le Musée d’Orsay à Akseli Gallen-Kallela. 1ère exposition monographique mondiale dédiée à ce peintre, elle permet de (re)découvrir l’œuvre éclectique d’un des plus grands artistes finlandais du XXème siècle.


La Défense de SampoDe la Finlande, nous ne connaissons en France que relativement peu d’artistes. Jean Sibélius, entre romantisme et minimalisme, ainsi que quelques groupes de métal, tels Nightwish et The Rasmus, pour la musique. Aki Kaurismäki, pour le cinéma. Rares sont ceux qui ont véritablement réussi à se frayer un chemin jusqu’à nous. L’exposition d’Orsay constitue une parfaite occasion de lever le voile sur un artiste méconnu chez nous mais pourtant emblématique de l’art finlandais, et plus particulièrement de l’art pictural du tournant du XIXème au XXème siècle : Akseli Gallen-Kallela.


Né en 1865, Akseli Gallen Kallela, de son vrai Axel Gallén, a très tôt entretenu des La vieille femme et le chatrapports étroits avec la France. En 1884, parti étudier à Paris après l’obtention d’une bourse, il étudie à l’Académie Julian. Bien qu’entouré, notamment par des artistes nordiques tel August Strindberg, il a le mal du pays et n’éprouve pas de grand intérêt pour les nouvelles tendances très appréciées dans son pays d’accueil. A l’impressionnisme, Axel Gallén préfère en effet le style naturaliste pour lequel il opte pour ses toiles sur la vie rurale, inspirées par son enfance dans la contrée de Tyrvää. L’artiste y décrit sans fard la rudesse des conditions de vie des paysans, peignant dans " La vieille femme et le chat " une paysanne aux traits rongés, déformée par le labeur. Les scènes typiquement finlandaises l’inspirent aussi beaucoup, du rituel du sauna au séchage des pains de seigle dans la pièce à vivre. A côté de ces œuvres, il se livre à quelques scènes d’intérieur et réalise plusieurs portraits, cette fois-ci de membres de la haute société de son pays natal.


Kallen-Kallela-Imatra-Falls-copie-2Amoureux profond de son pays natal, Gallén consacre quelques-unes de ses plus belles toiles à la peinture de paysage. Parmi celles-ci, " Imatra " sublime les spectaculaires rapides de cette icône du paysage finlandais. Peu à peu, les toiles deviennent de moins en moins naturalistes, l’artiste se concentrant davantage sur certains détails : ainsi, dans " Rapides à Mäntykoski ", Gallen associe la représentation réaliste de la cascade avec un élément abstrait : cinq cordes d’or qui partagent le tableau verticalement, suggérant un écho musical à la chute d’eau.


L’œuvre de Axel Gallén est alors en train de basculer vers le mouvement symboliste qui touche l’Europe. De nouvelles Ad Astrasources d’inspiration marquent les créations du peintre, de la Bible à l’occultisme. Dans " Ad Astra ", il livre sa propre vision du thème de la résurrection, remplaçant le Christ par une femme, fusionnant ainsi l’iconographie chrétienne et le thème transcendental de la victoire de la vie sur la mort. « Symposium »se situe quant à lui dans un registre onirique : autour d’une table, plusieurs personnages assis, parmi lesquels Jean Sibélius, fixent une apparition étrange, symbole du mystère de l’art.


Gallen_Printemps

Enfin, au début du XXème siècle, il réalise plusieurs fresques destinées à décorer le mausolée Juselius, consacré par l’industriel Arthus Juselius à sa fille décédée à l’âge de 11 ans. Dans une perspective métaphysique, Axel Gallén opte pour des toiles évoquant les différents âges de la vie et le cycle des saisons. Dans " Printemps ", la joie des enfants est mise en péril par la présence d’une femme en robe noire, allégorie de la Mort.


Mais Gallén est par-dessus tout influencé dans sa peinture par  Le Kalevala, épopée finlandaise écrite par Elias Lönrot dans F06-La-legende-d-Ainoles années 1830 d’après d’anciens poèmes finnois. Publié pour la 1ère fois en 1835, l’œuvre est un grand succès et devient le symbole de l’identité nationale, jouant un rôle central dans la lutte pour l’indépendance politique du pays qui, si l’on y parle officiellement le suédois, est alors sous domination de la Russie. Les créations de l’artiste témoignent de son goût et de sa fascination pour cette légende : dans un style moderne, ces œuvres uniques fondées sur des sujets traditionnels mêlent détails fantastiques et personnages réalistes, comme on peut notamment le voir avec " La légende d’Aino " peint en 1891.  Dans le prolongement de cette exaltation, Axel Gallén modifie en 1907 son nom pour celui, beaucoup plus finlandais, d’Akseli Gallen-Kallela.


H-cabinet-arbre-connaissanceArtiste polymorphe, Gallén portait également un profond intérêt pour les arts décoratifs, ayant I-rhinoceros-et-euphorbelui-même réalisé quelques pièces de mobilier, présentées au sein de l’exposition, ainsi que conçu une chambre pour le pavillon finlandais de l’Exposition Universelle de 1900. Imaginant une maison-atelier dont il avait dessiné les plans et la décoration intérieure, dotée du chauffage central et d’une salle de bains du dernier cri pour l’époque, la dernière demeure de l’artiste fut à l’image de son éclectisme, se situant à mi-chemin du château médiéval, du palais style Renaissance et d’une église en bois à la finlandaise.

La toute dernière partie de l’exposition nous présente les tableaux peints par l’artiste durant son voyage en Afrique. Tel Hemingway, il y mène une existence virile, motivé dans ses excursions par le désir de retrouver une nature sauvage encore vierge. Il y peint des œuvres proches du fauvisme et de l’expressionnisme, aux couleurs flamboyantes et puissantes.


akseli-gallen-kallela-lake-keiteleDu naturalisme au symbolisme, de la peinture de paysage aux portraits, des fresques aux arts décoratifs, la monographie du Musée d’Orsay nous présente en une sélection d'environ 90 oeuvres un éventail de différentes facettes de l’art d’Akseli Gallen-Kallela. Exposé à l’international de son vivant, mais profondément attaché à la culture finnoise et à son peuple, l’artiste est aujourd’hui considéré comme un des plus grands représentants de la Finlande, comme en témoigne l’utilisation récurrente de ses toiles par l’Office de tourisme finlandais, constituant une des meilleures vitrines qu’il soit pour ce pays.

 

Christine Brion.


Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Une passion finlandaise.

Du 7 février au 6 mai 2012 au Musée d'Orsay. 


Images :


- "La vieille femme et le chat"  : © Turku Art Museum/Photo Vesa Aaltonen.

- "Imatra en hiver" : © Finnish National Gallery / Central Art Archives /Photo Matti Janas.

- "Ad Astra" : © Collection particulière/Photo Hanna Kukorelli/Helsinki Art Museum.

- "Le Printemps" et "La légende d'Aino": © Finnish National Gallery / Central Art Archives / Photo Hannu Aaltonen.

- Meuble et "Rhinocéros et euphorbes" : © SPECTACLES SELECTION.

- "Lake Keitele" : © National Gallery, Londres, Dist. RMN/National Gallery Photographic Department.


Liens :


- Site de l'exposition

- Site de "The Gallen-Kallela Museum" situé à Espoo, en Finlande.

- Page wikipedia sur Gallén comprenant une riche gallerie de photographies d'oeuvres

- Vidéo de peintures de l'artiste

 

 

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3 février 2012

Vodkaster : "Take a movie shot !"

 Voici déjà plus de deux ans qu'a été lancé Vodkaster. Une initiative originale et intéressante qui vise à développer une nouvelle forme de cinéphilie à l'heure de la Révolution Numérique.


vodka paged'accueilLancé publiquement en 2009 par une poignée de jeunes professionnels, Vodkaster est une plateforme vidéo collaborative, entièrement dédiée au cinéma. Le but initial du projet ? « participer à la réindexation du cinéma mondial en scènes courtes ». Une démarche proche de celle de Youtube, mais dans le domaine spécifique du cinéma. Pour les fondateurs de Vodkaster, l'avantage de la plateforme consiste notamment dans son utilisation, largement facilitée par rapport à celle de youtube. En effet, il est loin d'être toujours évident de (re)trouver un extrait de film sur cette dernière. A l'inverse, sur Vodkaster, tous les extraits sont rattachés au film dont ils sont tirés et il est également possible d'effectuer une recherche à partir d'un simple dialogue.

 

Autre différence, et de taille, avec youtube, l'offre proposée par Vodkaster est totalement légale. Actuellement, elle est constituée vodkaster le guépardde plus de 20 000 extraits de films. Ceux-ci sont issus d'une base de données de droits dans laquelle les internautes peuvent piocher, sélectionner les scènes qui les intéressent et les publier. « L'enjeu, c'était d'inventer une technologie intuitive, sans que le film puisse être regardé dans son intégralité » explique Cyril Barthet, fondateur de la plateforme. Seules conditions ? Que les scènes ne dépassent pas trois minutes, « durée d'attention maximale d'un internaute » d'après plusieurs études réalisés. Des accords ont été passés entre la start-up et des sociétés telles que Bac Film, Les Editions Montparnasse, MK2..., Vodkaster faisant notamment la promotion de certains titres en DVD et en VOD. La rémunération du site provient d'une part de la publicité et d'autre part d'un pourcentage sur les transactions réalisées sur les ventes VOD par les éditeurs avec lesquels ont été signés des accords. 20 % des recettes sont versées aux ayant-droit. 


vodkaster-moviequizzA long terme, Vodkaster désire surtout démocratiser la cinéphilie en favorisant l'accès aux extraits de films mais aussi aux connaissances sur le cinéma. Ses fondateurs souhaitent en effet « donner soif de cinéma» (d'où le jeu de mot du titre). Le site comprend non seulement des dossiers, mais également des micro-critiques, provenant d'internautes autant que de journaux, des quizz, des jeux, des playlists thématiques... Les extraits de films ne sont en fin de compte que la partie immergée de l'iceberg, les créateurs du site ayant d'ailleurs par la suite mis en place un blog qui accompagne la plateforme et permet aux fondateurs de Vodkaster de mettre en avant son actualité et ses évolutions. Sur celui-ci, on peut lire dans la partie "A propos" :


« Notre conviction est qu’il est désormais temps de fonder une nouvelle cinéphilie, tirant parti des outils du web collaboratif et du boom de la vidéo sur Internet. Ce blog de la cinéphilie 2.0 a donc été la première pierre à l’édifice. […] La rareté et la difficulté d’accès aux films avaient pour effet de rassembler et d’agréger une pensée cinéphilique. Celle-ci n’a certes pas disparu, mais elle est maintenant extrêmement dispersée. […] Il s’agit de rassembler les connaissances et les individus autour de leur amour du cinéma, et de fonder ainsi une nouvelle cinéphilie : la cinéphilie 2.0 ».

 

L'aspect communautaire est essentiel chez Vodkaster, avec la mise en place d'un ''profil cinéma'' pour chaque membre, vodkaster magazinecomprenant notamment ses meilleurs films et réalisateurs mais aussi ses amis sur la plateforme dont il peut suivre toutes l'activité sur le site. En effet, ce sont véritablement les membres de Vodkaster qui font vivre la plateforme, de l'indexation de scènes à l'écriture d'articles ou de dossiers, en passant par l'attribution de notes aux films, de ''coups de coeur'' ou ''coups de tonnerre'' aux artistes et la rédaction de micro-critiques que l'on peut commenter. Par ailleurs, les contenus partagés vers d'autres plateformes telle facebook sont gardés en mémoire et présentés par un encadré figurant à droite. La plateforme s'est ainsi beaucoup inspirée du succès croissant des réseaux sociaux, se qualifiant elle-même désormais de « réseau social du cinéma ». Par rapport aux réseaux ''classiques'', elle permet notamment de conserver en mémoire les avis émis par les internautes et de les retrouver facilement, que ceux-ci datent d'il y a une semaine, de trois mois ou d'un an. Actuellement, elle possède près de 6000 fans sur facebook et regroupe déjà des centaines de milliers d'internautes dont 50 000 membres. Des chiffres qui laissent présager un bel avenir. Vous prendrez bien un autre shot ?

 Christine Brion.

 

Images :

 © Vodkaster 2007-2011


 Sources :

- Article de 2009 paru sur le site internet de La Tribune

- Court reportage sur Vodkaster diffusé en 2009 sur LCI

- Longue interview vidéo de Cyril Barthet réalisée en 2011 par un internaute


16 janvier 2012

La Comédie Française au Petit Palais : une exposition frustrante

 Le 15 octobre dernier ouvrait au Petit Palais l'exposition "La Comédie Française s'expose au Petit Palais" qui a pris fin hier. Un sujet qui était alléchant, d'autant plus pour les spectateurs réguliers ou ponctuels de cette institution. Malheureusement, l'exposition s'est avérée au final plutôt décevante...

 

salle richelieuLa Comédie Française. Malgré la multiplication des lieux de théâtre depuis le XVIIème siècle, le lieu n'a pas perdu de sa symbolique, son nom résonnant encore aujourd'hui comme un gage de qualité et de talent.

 La Comédie Française, c'est tout un univers. Non seulement des "classiques" du répertoires, dont les fameuses adaptations de Molière, souvent vues en classe ou en famille lorsqu'on est au collège mais également, et de plus en plus, des oeuvres moins connues remises sur le devant de la scène telle cette année "Le Mariage" de Gogol. Non seulement des pièces françaises, mais également des textes européens et américains, comme "Les Trois soeurs" de Tchekhov et "Un tramway nommé Désir" de Tennessee Williams joués tous deux l'an dernier.  Loin de l'image ultra-traditionnelle que certaines personnes ont de l'institution, "Le Français" comme on l'appelle a beaucoup changé en quelques décennies, et parvient aujourd'hui à concilier des mises en scène plus classiques avec d'autres plus contemporaines. Depuis quelques saisons, la maison favorise de plus en plus les passerelles jetées entre le théâtre et d'autres arts - dont la chanson et la danse.

La Comédie Française, ce sont également des lieux : l'illustre salle Richelieu, la plus grande salle de l'institution et celle à laquelle on l'associe 71417974_pimmédiatement ; la salle du Vieux Colombier, de taille moyenne, qui a pris place à St Germain des Prés en 1913 ; et enfin, le Studio Théâtre, petite salle de 136 places ouverte au Carrousel du Louvre en 1996 et accueillant notamment des lectures de textes. Trois lieux très différents mais dont l'articulation permet à l'institution de déployer une programmation éclectique et susceptible de répondre à des attentes assez différentes.

 Afin de présenter les collections de la Comédie Française, acquises au cours des siècles depuis 1680, les commissaires de l'exposition du Petit Palais ont opté pour un parcours en cinq temps, "cinq actes" selon les règles classiques de la dramaturgie. Tout d'abord, l'ancrage en "1680 : date fondatrice d'une institution, la Comédie Française". Cette partie met en avant les troupes de théâtre au XVIIème siècle et la figure phare de Molière, "fondateur spirituel" du lieu. Puis, l'exposition nous présente "L'Institution et ses demeures" et son répertoire : "Des oeuvres et des hommes". Ensuite, elle se focalise sur "L''histoire d'une troupe" avec l'évocation des différents types de rôles et la présence de portraits de grands acteurs ayant marqué l'Histoire du Français. Enfin, elle prend fin avec une dernière patrie consacrée à "Molière mis en scène".

comedie-francaise-sexpose-petit-palais-L-1ysuUgDans son ensemble, l'exposition nous donne la possibilité de découvrir un patrimoine artistique d'une indéniable richesse.  200 oeuvres sont présentes, dont de très nombreux tableaux et sculptures (essentiellement des bustes de dramaturges), ainsi que de nombreux dessins, dont une série représentant Rachel, une des plus grandes actrices de la maison, dans plusieurs de ses rôles. Les informations sur les grandes étapes de l'institution et ses acteurs permettent d'en apprendre juste ce qu'il faut sur les sujets évoqués, ce qui nous épargne le sentiment d'être noyés par les données historiques lorsqu'on a peu de connaissances sur l'Histoire de la maison. 

Le principal problème réside cependant justement dans le contenu même de l'exposition, en grande partie déroutant par rapport à ce qu'on aurait pû attendre et espérer d'un tel sujet. En effet, si l'exposition nous donne à voir par exemple certains des plus beaux portraits d'acteurs des siècles passés, elle ne parvient pas à nous montrer véritablement l'envers de la Comédie Française. Ainsi, si elle décrit rapidement le fonctionnement du Comité de sélection, de très nombreux sujets, pourtant importants, ne sont tout simplement pas évoqués au sein de l'exposition. Aucune évocation de l'administration de la maison, ni du travail des acteurs ou des techniciens. Aucun discours sur les étapes de la création d'une nouvelle mise en scène. Aucune information sur la manière dont les acteurs sont recrutés ni sur l'évolution du répertoire au cours du siècle et les grands changements qu'a connus cette institution. Des impasses d'autant plus dommages qu'elles constituent sans doute les sujets les plus intéressants aux yeux d'un public qui aime le théâtre. Pourquoi ne pas avoir décrit une journée type d'un acteur à la Comédie Française  par exemple ? Pourquoi ne pas s'être intéressé aux grandes évolutions de l'art de la mise en scène au Français depuis ses débuts ? Tout ceci aurait pourtant mérité de figurer dans cette exposition qui demeure en fin de compte assez figée et ne laisse que peut transparaître la "vie" au sein de ce lieu. 

Plus étrange, l'exposition ne comprend aucun extrait de pièce de théâtre, alors qu'il 27-maquettesexiste une vingtaine de titres de pièces enregistrées à la Comédie Française des années 1960 aux années 2000, sans parler de captations plus récentes telle celle de "Cyrano de Bergerac" de Denis Podalydès. Elle ne nous donne pas davantage la possibilité d'entendre grâce à des écouteurs des enregistrements d'interprétations d'acteurs. Et ne présente encore moins d'interviews de membres actuels ou passés de la troupe. Si certains accessoires, d'une grande beauté, sont exposés - tels les masques des "Fables de la Fontaine" mis en scène par Robert Wilson en 2003 -, ceux-ci sont malheureusement trop rares, et ne sont pas accompagnés d'informations  sur leur fabrication ou simplement de photographies de leur utilisation scénique. De la même manière, seuls deux costumes sont présents. La dernière partie de l'exposition, consacrée à Molière, nous fait découvrir de très nombreuses maquettes de mises en scène, dont une grande partie correspond d'ailleurs à des pièces écrites par d'autres dramaturges. Une inadéquation avec le titre néanmoins bénéfique puisqu'elle nous permet de plonger davantage au coeur du vaste répertoire du lieu. Cependant, là encore, on peut regretter que l'exposition n'ait pas choisi de confronter plusieurs mises en scène d'une même pièce en les disposant côte à côte, ce qui aurait été davantage intéressant. De surcroît, si la majorité des maquettes sont visibles à taille d'homme, une minorité sont présentées trop haut, ce qui n'en permet qu'une vision lointaine. La dernière paroi de l'exposition est constituée d'un panorama de la troupe à l'heure actuelle, une jolie idée pour terminer l'exposition sur le présent et l'avenir du lieu après avoir exposé son Histoire, mais malheureusement l'exposition n'accorde  pas assez de place au métier et au jeu d'acteur.

talma_en_manlinus_par_david_dangers_photo_loretteDe manière générale, la scénographie surprend par son manque d'audace. Si la galerie de bustes de grands dramaturges de l' "Acte III : Le répertoire : des oeuvres et des hommes" accorde une place originale au texte, de nombreuses projections de citations célèbres ponctuant le sol de l'espace, les autres pièces ne bénéficient pas d'effets originaux. Là encore, on aurait pû s'attendre à de grands effets de mise en scène, tel un parcours ponctué de voix et d'images, voire de lumières, nous plongeant au coeur de l'art théâtral grâce au jeu des interprètes passés et actuels de la Comédie Française. A l'heure où l'on ne cesse de parler de la Révolution Numérique, et où de nombreux musées prennent acte de celle-ci au point d'opérer de radicaux changements dans leur manière de concevoir leurs projets et d'accompagner leurs  spectateurs, il est particulièrement dommage de ne pas en avoir tiré le moindre profit pour une exposition sur un art aussi vivant et interactif que le théâtre.

   Le résultat ? Un sentiment que le sujet n'a été que partiellement traité,  par le biais d'une scénographie plutôt froide, à mille lieux de l'enthousiasme et de la chaleur que l'on peut ressentir à l'issue d'une représentation théâtrale réussie. Au final, c'est un sentiment de frustration qui domine à la sortie de l'exposition : celui d'avoir pu pousser la porte des coulisses de la Comédie Française, mais de ne pas avoir pu véritablement y rentrer.

Christine Brion.

 

Images :

- Photographie de la salle Richelieu.

- Molière dans le rôle de César (La Mort de Pompée, Corneille) par Nicolas Mignard.

- Sarah Bernhardt dans le rôle de la Reine (Ruy Blas, Victor Hugo) par George Clairin, 1879.

- Talma dans le rôle-titre (Manlius Capitolinus, La Fosse d'Aubigny) par David d'Angers.

- Photographie des maquettes exposées dans la partie "Molière mis en scène".

 

Crédits photographiques

- Photographie de la salle Richelieu : © Jean-Erick Pasquier.

- Oeuvres présentes dans l'exposition : © Patrick Lorette / Comédie-Française.

sauf la photographie des maquettes : ©  SPECTACLES SELECTION.

 

 Liens :

- le lien internet de l'exposition

- un lien sur l'exposition "L'art du costume à la Comédie Française" qui s'est déroulée du 11 juin 2010 au 31 décembre 2011 au CNS, Centre national du costume de scènesitué à Moulins et dont le déroulement en parallèle de l'exposition du Petit Palais peut expliquer en partie le faible nombre de costumes de cette dernière exposition. On peut notamment visionner sur le site plusieurs reportages consacrés à la création des costumes et des décors.

- et un lien sur la nouvelle exposition "L'Envers du Décor à la Comédie Française et à l'Opéra de Paris au XIXème siècle", qui se déroule du 28 janvier au 20 mai 2012, toujours au CNS. Elle est consacrée à la mise en scène théâtrale, aux décors et aux trucages.

- le site internet de la Comédie Française.

En dehors de la présentation de la saison (et en archives celles des années passées) et d'un service de billetterie en ligne, ce site très fourni comprend également des biographies des membres de la troupe,  ainsi que de nombreuses informations sur l'organisation de la Comédie Française et son Histoire, sans oublier un espace boutique. Depuis peu, les collections de la Comédie Française sont également accessibles en ligne avec la mise en place de la Base de données Lagrange.

 

7 octobre 2011

Le musée virtuel Gaumont : une idée intéressante

Depuis quelques années, internet connaît une multiplication du nombre de sites  interactifs créés par des institutions et musées. Ceux-ci, notamment susceptibles d'accroître la visibilité de ces lieux auprès d'internautes parfois fort éloignés géographiquement, sont souvent conçus comme une vitrine des collections permanentes ou un complément d'expositions temporaires fondés sur une autre présentation des oeuvres. L'approche de la société Gaumont est autre.

 

Logo Musée gaumontInternet peut  permettre de mettre à disposition des internautes la totalité de la documentation de certaines sociétés et institutions du secteur cinématographique. C’est dans cette optique que Gaumont a lancé en 2006 son musée virtuel. Une création particulièrement originale à l’époque. Ouvert au public le 16 novembre, jour de la Sainte Marguerite – en référence au logo de la société -, ce musée sur le net retrace plus d'un siècle de cinéma à travers les collections de la société Gaumont. Il comprend notamment « 6.000 affiches, 200.000 photos, 200 appareils photographiques et cinématographiques.». La création de cet espace virtuel permet également de présenter l'actualité du musée et ses nouvelles acquisitions. Ici, il ne s'agit pas seulement d'un complément à un musée physique, mais d'une véritable substitution puisque ce musée virtuel est le seul accessible au grand public. En effet, s'il existe un Musée Gaumont, situé à Neuilly, celui n'est ouvert qu'aux seuls professionnels, sauf durant les Journées du Patrimoine.


Pour rentrer dans le musée, cinq portes d'entrée : les collections permanentes, l'actualité du musée, les expositions 74001935temporaires, le catalogue du musée – pour effectuer une rechercher précise – et la bibliothèque du musée – avec une bibliographie des ouvrages portant sur la société. Il est également possible de télécharger une newsletter ainsi que de consulter le livre d'or de Gaumont parsemé de messages de noms illustres du cinéma.


En ce qui concerne les collections permanentes, le  coeur même du musée virtuel, celles-ci prennent place au sein d'un Gaumont Palace virtuel, en hommage au cinéma mythique disparu en 1973. Chaque espace de ce cinéma virtuel est transformé en vitrine, dans laquelle sont présentées les pièces « les plus significatives de la collection Gaumont ». Les associations, loin d'être établies au hasard, permettent de mettre en valeur des thématiques liées à l'Histoire de Gaumont. Ainsi, aux guichets virtuels sont associés les tickets et programmes du début du siècle ; à l'écran de cinéma des extraits de films ; à la galerie des affiches de films, et aux coulisses des costumes, maquettes et décors... Un autre espace est consacré à la présentation de la société et de son emblème.


musée gaumont virtuel filmsLa présentation de la plupart des documents est ludique. Par exemple, au sein de la partie ''Guichets'', les internautes peuvent consulter une ''Etude du comportement des spectateurs du Gaumont'' de 1947 - 1948 en la feuillettant virtuellement. Dans la partie ''Ecrans'', il est possible de regarder de courts extraits de films cultes de la société – ''Zéro de conduite'', ''Les
Tontons Flingueurs''... - en cliquant sur les têtes des spectateurs « afin de voir à quel film ils pensent ». Enfin, dans la partie ''Orgue'', les internautes peuvent écouter de courts extraits – 45 secondes – des bandes originales de films Gaumont. A chaque fois, des informations techniques accompagnent les extraits, tel le nom de l'artiste. Par exemple, pour la section
''Galerie'', chaque affiche est accompagnée d'une fiche détaillée mentionnant entre autres l'affichiste, la technique utilisée et l'imprimeur. Le tout permet ainsi non seulement de rattacher de nombreuses oeuvres connues au nom de Gaumont – lien qui n'est pas forcément immédiat – mais de plus d'en apprendre beaucoup sur l'Histoire du cinéma, à travers l'Histoire d'une société française emblématique.


On peut néanmoins regretter notamment que le musée virtuel n'évoque strictement que les oeuvres Gaumont. Ainsi, dans la musée gaumont virtuel étudesection ''Rotonde'', la filmographie des acteurs concernés, noms les plus illustres de la production tels Alain Delon, Jean Gabin, Gérard Depardieu, Jeanne Moreau et Danielle Darrieux, ne cite que les films Gaumont, ne mentionnant même pas les autres titres de ces riches carrières.

La totalité de la visite du musée s'opère selon un parcours libre qui permet aux internautes de construire comme ils le désirent leur visite. Pour chaque section du musée, une page d'accueil composée de deux photographies : à gauche, une ancienne ; à droite, une contemporaine. Une jolie manière de mettre en valeur le but de ce musée virtuel : établir des liens entre le passé et le présent afin de rendre compte de l'importance de l'Histoire de Gaumont dans son actualité et peut-être, de manière plus large, de l'importance du patrimoine cinématographique pour le cinéma contemporain.

Christine Brion.


Images :

© Gaumont 2007 - Collections Musée Gaumont


 Sources :

- Article paru sur le site internet de Le Figaro : "Gaumont, la doyenne surfe sur le web".

- Article du site internet GNT, "Génération Nouvelles Technologies" du 14 novembre 2006.

 

2 février 2011

Andromaque par Muriel Mayette

Jusqu'au 14 février prochain, la Comédie Française redonne vie à une des plus célèbre pièces de Racine. Une remise à l'honneur grâce à la vision de Muriel Mayette, qui offre la part belle au texte et à l'expression des sentiments.

 

187485_andromaque_une_jpg_83601La guerre a pris fin, ne laissant qu'un champ de ruines. Dans le palais de Pyrrhus, fils victorieux d'Achille, quatre personnages tentent de tourner la page et d'avancer. Un quatuor amoureux, une véritable chaîne qui ne cesse de se défaire et refaire. Pyrrhus, roi d'Epire, retient captive Andromaque, la veuve du troyen Hector, ainsi que son fils Astyanax. Pyrrhus aime Andromaque, mais cette dernière, fidèle à son peuple et au souvenir de son mari, se refuse à lui. Hermione, promise à Pyrrhus, est follement amoureuse de lui. Dédaignée par le souverain, elle est indifférente à Oreste, ancien promis qui n'a d'yeux que pour elle. Andromaque et Oreste sont les maillons externes de la chaîne, Pyrrhus et Hermione les maillons internes. Il suffit qu'Andromaque refuse à nouveau Pyrrhus pour que celui-ci se tourne de dépit vers Hermione, au desespoir d'Oreste. Mais un seul mot de la troyenne et Pyrrhus abandonne Hermione, qui se retourne alors vers Oreste pour la joie de ce dernier. Un déséquilibre perpétuel caractérise ainsi la chaîne de personnages. Une valse des coeurs, entre des protagonistes qui ne savent jamais totalement sur quel pied danser. Mais cette chaîne ne serait pas complète sans un cinquième personnage : Hector. Tué par Achille, celui-ci hante paradoxalement la pièce de sa présence.

 

Dans le rôle d'Andromaque, le choix de Cécile Brune – récemment à l'affiche de Fantasio – surprend : la voix grave de198972_andromaque_une_jpg_95308 l'actrice, son image, semblent tout d'abord en décalage avec le rôle. Mais, peu à peu, l'actrice convaint, campant une Andromaque ferme et maitresse d'elle-même malgré les menaces qui pèsent sur son fils. Eric Ruf est quant à lui un Pyrrhus imposant et majestueux en dépit des tourments qu'il traverse, partagé entre son désir de renouveau et de réconciliation et le poids du passé, trop lourd à porter. Mais les deux interprétations les plus impressionnantes sont celles des deux comédiens les plus jeunes de la distribution. Incarnant Hermione, Léonie Simaga interprète avec fougue la passion de la jeune femme et se révèle touchante dans l'expression de sa souffrance et des revirements qui bousculent sa destinée. Sa diction espacée, étonnante au début, permet de mettre en valeur les vers raciniens. Enfin, à la majesté de Pyrrhus s'oppose la folie d'Oreste mise en avant par le jeu de Clément Hervieu-Léger, troublant en personnage excessif poussé aux extrémités par ses sentiments. Les seconds rôles ne sont pas en reste.

 

Andromaque_Christophe_Raynaud_de_Lage_682x1024La mise en scène de Muriel Mayette, administratrice de la Comédie Française, frappe par sa sobriété, à la limite de la froideur. Un unique décor ici : un palais de marbre et ses gigantesques colonnes qui ne laissent que peu de place aux personnages qui se perdent émotionnellement dans le lieu. Autour de ces colonnes, symboles de la puissance du destin face à la misère des hommes, les protagonistes s'agitent, s'aiment, se déchirent. Les colonnes se font tantôt appui, tantôt lieu intime de confidences. Elles sont au fond les seules à se tenir encore droites dans ce palais où tous les personnages ne font que chanceler tour à tour, changeant d'avis, trahissant même leurs idéaux. Si le décor est imposant, les costumes se font quant à eux légers, évoquant clairement le drapé antique. Leur simplicité symbolise le mouvement, le désir des personnages d'avancer. Tel le vent qui parcourt par moments les toiles du palais comme un souffle nouveau, rendant également compte de la fragilité de la structure. Peu de grands effets scéniques ici, mais l'essentiel. A plusieurs reprises, la luminosité évolue, les lueurs du soleil et la relative pénombre se succédant à tour de rôle. Ces choix artistiques sobres permettent de se concentrer sur le plus important : le texte de la pièce. La simplicité du plateau invite en effet le spectateur à se focaliser sur les alexandrins de Racine et sur la force qu'ils déploient. Tantôt murmurés, tantôt déclamés , parfois même criés, chaque personnage exprimant tour à tour son malheur. Peu de mises en scène attirent autant l'attention aujourd'hui sur la beauté d'un texte classique, sur ses intonations et ses sonorités.  La musicalité des vers, le souffle du verbe, sont ici soulignés par l'instrumental qui ne cesse d'être présent du début à la fin.  Le tout se révèle un peu déstabilisant, parfois un peu dur à suivre, mais intéressant et émouvant.


La froideur du marbre s'oppose en effet à la passion des personnages, à la limite de la folie. Oreste d'ailleurs y basculelever_de_rideau_1_muriel_mayette_monte_andromaque_M44825 totalement lorsque Hermione parvient réellement à le persuader de tuer Pyrrhus. Pour la 2ème fois après l'assassinat d'Egisthe et Clytemnestre, le jeune homme se retrouve être le bras armé d'une jeune femme désireuse de se venger. Trompé par Hermione, n'ayant pas su discerner le discours mensonger d'un coeur blessé, le jeune homme part à nouveau, une seconde fois chassé à la suite de son action meurtrière. C'est avec son départ que se conclut la pièce. Pyrrhus a été assassiné. Hermione s'est donnée la mort. Oreste n'est plus qu'une ombre. Seule demeure Andromaque. Cette dernière a su préserver son fils et est demeurée fidèle à son peuple et à sa cause. De captive, elle est devenue reine.


Christine Brion.


 

Crédits photographiques :

-1ère et 3ème photos : Christophe Raynaud de Lage.

- 2ème :Pacôme Poirier /Wikispectacle.

- 4ème : Pascal Gely, Enguerand. 

 

Liens :

- site de la Comédie Française

- reportage du JT de TF1

- reportage de France 3


 

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24 septembre 2010

Une vie Saint Laurent

Retracer une vie en seize chansons, tel a été le pari un peu fou d'Alain Chamfort avec son album consacré à Yves Saint Laurent, sorti le 16 février dernier. Le résultat ? Un petit bijou musical qui confirme le retour de l'artiste.

 

Alain_Chamfort___Une_vie_Saint_Laurent2010, année Yves Saint Laurent. De l'exposition organisée par le Petit Palais aux (re)sorties d'ouvrages biographiques, en passant par "Un amour fou'' de Pierre Thorreton, documentaire portant sur le couple Yves Saint Laurent - Pierre Bergé visible en salles depuis mercredi dernier, de multiples évènements auront cette année braqué les projecteurs sur celui qui fut un des plus grands stylistes du Xxème siècle. Autant d'opportunités de découvrir et davantage connaître le "petit prince de la mode", la plus originale étant néanmoins certainement la sortie d'un album musical consacré au grand couturier par Alain Chamfort en février dernier.

 

 

L'artiste raconte en seize chansons les grands moments de laimage_60936197 vie de Saint Laurent, de son enfance à Oran dans les années 40 à sa mort en 2008. Un parcours chronologique notamment ponctué par les débuts de Saint Laurent chez Dior, sa rencontre avec Bergé, sa grandiose ascension, mais aussi ses excès. Ce projet original a vu le jour suite à la proposition de Pierre - Dominique Burgaud : mettre en chansons la vie du grand couturier. Un défi qui permet non seulement à Chamfort de décrire le destin exceptionnel d'un grand nom de la mode mais également de retracer quelques-unes des grandes mutations de la société française qu'a connues Saint Laurent. En effet, comme le rappelle Alain Chamfort, « Yves Saint Laurent, c'est plus que de la mode. Suivre sa vie, c'est suivre l'évolution de la société française de ces cinquante dernières années. L'homosexualité, la guerre d'Algérie, l'égalité hommes-femmes, la diffusion de masse par le prêt-à-porter, la crise de la haute couture, les batailles rangées à l'intérieur du CAC 40, Yves Saint Laurent a été témoin et acteur de tout ça ».

 

Une évocation de St Laurent qui se fait par un mélange de styles étonnant et séduisant. Des douces ballades - ''Les clochettes blanches'', ''Pas de guitare'', '' Les deux ne font qu'un'' - côtoient des sonorités  pop-rock - ''5 avenue Marceau'', yé - yé  - ''Smoking or not smoking'' ou même jazzy - ''Une étoile qui tombe''. .., le disque nous entraînant d'une piste à l'autre dans un véritable voyage musical. Les cordes cohabitent harmonieusement au sein de l'album avec la batterie, le xylophone, la guitare sèche ou électrique, les trompettes ou encore le clavecin - qui nous offre quelques uns des plus beaux thèmes de l'album. Les paroles sont malicieuses, amusées et poétiques. Tantôt touchantes, comme celles d' "Oran", décrivant les rêves de gloire de Saint Laurent alors qu'il n'est encore qu'enfant : 

 

 

« Ce petit garçon dans les rues d'Oran

Se rêve déjà élevé au rang

D'icône de la vie parisienne


Pendant que les autres garçons d'Oran

Jouent au ballon, lui, est-ce déshonorant

Habille ses poupées en reines


Un jour mon nom en lettres d'or

Brillera sur les Champs-Elysées

Un jour mon nom en lettres d'or

Brûlera les lèvres du monde entier


Cet adolescent dans les rues d'Oran

Trouve sa religion bien loin du Coran

Dans les pages des revues mondaines


Là où l'air du temps comme le vent d'Oran

Souffle les parfums les plus odorants

Et les mêle au chant des sirènes


Un jour mon nom en lettres d'or

Brillera sur les Champs-Elysées

Un jour mon nom en lettres d'or

Brûlera les lèvres du monde entier. »

 

Tantôt particulièrement pêchues, voire caustiques, comme par exemple celles de "Prêt-à-porter" :

«Etre le jouet d'une poignée de riches,                                                                                                                     

C'est s'offrir un destin de caniche,

Faire les robes des femmes d'ambassade,

Qu'est-ce sinon de la déco d'intérieur?


 

 

Ce n'est pas sous les beaux plafonds                                                                                                      

Que l'on bouscule les conventions,

Pas sous les lutres des salons

Que l'on fait les révolutions

La mode est une femme en jaguar

Que je veux mettre sur le trottoir


 

 

Habiller quelques mannequins en vogue,

Cà ne fait de vague que dans Vogue,

Maintenant que les reines me réclament,

Je me sens couturier de vieilles dames. »

 

 

 

Le premier single sorti est "A la droite de Dior" :

 

Le tout donne un résultat  à la fois léger et grave, joyeux mais teinté d'une douce mélancolie. Un bijou d'émotion et de finesse qui ne se départ jamais d'une  pudeur élégante qui participe de l'image même d'Alain Chamfort.

 

Tout aussi original que le concept est le dispositif commercial mis en place pour la sortie du disque. Aucune maison de disque n'ayant accepté le projet – jugé beaucoup trop audacieux - Alain Chamfort a décidé d'éviter les circuits traditionnels de ventes de disque afin de se concentrer sur d'autres moyens de diffusion. Une vie Saint Laurent a ainsi été mis en vente du 16 février au 12 mars sur le site vente-privée.com pour la somme modique de 5,50 euros - soit le prix de vente d'un cd hors les marges du distributeur et du label! Une version livre-disque, éditée par Albin Michel, est sortie parallèlement : comprenant les paroles, des partitions, des photographies inédites de St Laurent ainsi qu'un point biographique, elle est disponible chez les libraires. Le disque est par ailleurs téléchargeable depuis sur toutes les plateformes de téléchargement légal, ainsi que sur des sites tel amazon.fr .

 

Une vie St Laurent est également pour Alain Chamfort l'occasion de marquer son retour après quelques épisodes douloureux pour le chanteur. Suite aux baisses de vente de ses disques, l'artiste avait été renvoyé en 2003 par sa maison de disques. Il sort peu de temps après "Les beaux yeux de Laure'', chanson dénonçant un monde impitoyable. Ironiquement, le clip illustrant la chanson, clip en noir et blanc décalé et original, remporte l'award du meilleur clip vidéo aux Victoires de la Musique en 2005.


Alain Chamfort a par ailleurs récupéré la totalité de ses droits d'auteur, faisant éditer l'intégralité de ses chansons - soit vingt-deux disques - chez XIII bis records. 

Accompagnant le disque dans sa sortie, une campagne marketing gonflée et  amusante au cours de laquelle le chanteur n'hésite pas à se moquer de lui-même, comme en témoignent les extraits suivants, teasers de la sortie de l'album.

Les maisons de disque peuvent désormais se mordre les doigts, puisqu'après un très bon démarrage, l'album Une vie Saint Laurent sera bientôt disque d'or, tandis que se prépare une adaptation scénique du projet au Palais de Chaillot. Une jolie consécration, pour un très bel hommage.

Christine Brion.


 

Liens :

- Site d'Alain Chamfort

- Page myspace de l'album

- Page "Une vie Saint Laurent" sur facebook

- Ecoute en streaming de l'album sur Musicme

- Interview d'Alain Chamfort à l'occasion de la sortie de l'album

- Interview d'Alain Chamfort sur VirginMega

- Page wikipedia sur Yves Saint Laurent

 

19 mai 2010

Espoir(s)

Cette fois-çi, j'avais envie de partager avec vous certains textes découverts récemment et que j'aime beaucoup.

   Tout d'abord, un poème de William Ernest Henley, "Invictus". Sans doute en avez-vous entendu parler il y a quelques mois. C'est ce poème qui a donné son nom au dernier film de Clint Eastwood - au passage, un petit bijou de cinéma, - et qui se trouve être le poème préféré de Nelson Mandela. Ce court poème fut écrit par son auteur en 1875. Il se fonde sur la propre expérience de celui-ci puisqu'Enley est alors sur son lit d'hopital, suite à une amputation d'un pied. Signifiant "invaincu" ou "invincible" - le titre ne fut en fait que rajouté en 1900 par l'auteur Arthur Quiller-Couch - , le poème décrit la résistance de son auteur à la douleur qui l'envahit suite à son amputation. Ce poème a joué un grande rôle pour Mandela alors qu'il était enfermé dans sa cellule à la prison de Robben Island.

« Out of the night that covers me,                                          

     Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
    For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
    I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
    My head is bloody, but unbow'd.

Beyond this place of wrath and tears
    Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
    Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
    How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
    I am the captain of my soul.
»

Et voici la traduction littéraire :

« Dans la nuit qui m'environne,
Dans les ténèbres qui m'enserrent,
Je loue les Dieux qui me donnent
Une âme, à la fois noble et fière.

Prisonnier de ma situation,
Je ne veux pas me rebeller.
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout bien que blessé.

En ce lieu d'opprobres et de pleurs,
Je ne vois qu'horreur et ombres
Les années s'annoncent sombres
Mais je ne connaîtrai pas la peur.

Aussi étroit soit le chemin,
Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme
Je suis le maître de mon destin,
Le capitaine de mon âme.
»

   Puis, un texte de MacArthur. Personnage controversé de l'Histoire des Etats-Unis, le général Douglas MacArthur figure parmi les militaires les plus décorés des Etats-Unis au XXème siècle. Il est surtout connu pour la fonction de "proconsul" qu'il a exercé durant l'occupation du Japon par les Etats-Unis (1945 -1952) et pour son rôle dans la Guerre de Corée (1950 - 1953). MacArthur a également laissé à la postérité plusieurs très beaux discours. En voici un extrait, sans doute le plus connu, issu de son discours d'adieu - intitulé "Duty Honor Country" - adressé aux étudiants de l'Ecole Militaire de West Point en 1962.

« La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.

On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau; renoncer à son idéal ride l’âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.

Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande, comme l’enfant insatiable : Et après ? Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie.

Vous êtes aussi jeune que votre foi. Aussi vieux que votre doute. Aussi jeune que votre confiance en vous-même. Aussi jeune que votre espoir. Aussi vieux que votre abattement.

Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif. Réceptif à ce qui est beau, bon et grand. Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini.

Si un jour, votre coeur est mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.»

   Enfin, un court texte écrit en 1946 en Allemagne, par Ursula Schmid-Anrig. Je n'ai malheureusement pas réussi à trouver qui était exactement cette femme. Ce texte fut notamment utilisé en mars dernier, à l'occasion d'un hommage au collectionneur Ernst Beyeler, grande figure du XXème siècle morte en février dernier.

« Wir bleiben uns nah,

auch wenn wir Abschied nehmen müssen.

Denn das, was uns verbindet,

wird stärker sein als das, was uns trennt.

Und unsere Liebe wird all das bewahren,

was wir füreinander gewesen sind. »

Et traduit :

« Nous demeurons proches,

et ce même si nous devons prendre congé.

Car ce qui nous relie

est plus fort que ce qui nous sépare.

Et notre amour conservera

tout ce que nous avons été l'un pour l'autre.»

A méditer!

Christine Brion.                                                                                                                                                                   

12 avril 2010

Du nouveau au Louvre!

Le 25 mars dernier a été inauguré le nouveau décor de la salle des Bronzes du musée du Louvre : un plafond contemporain créé par l'artiste Cy Twombly. Une très belle oeuvre qui prend parfaitement place au sein du foyer de la Joconde.

* Des liens anciens entre le Louvre et l'art contemporain                                                                                                                     

anselm_kiefer Un nouveau plafond contemporain pour la salle des Bronzes. Le signe que l'engagement du Louvre vis à vis des artistesbraquelouvre vivants se poursuit ! Le musée est en effet depuis longtemps le cadre d'accueil d'artistes contemporains. Depuis sa création, le palais est  un lieu architectural idéal pour les commandes de décors peints et scupltés. En leur temps, Le Brun, Delacroix et Ingres avaient été sollicités pour y exprimer leur génie. Cette tradition perdure au XXème siècle, avec notamment la  création en 1953 d'un plafond peint par George Braque, plafond de la salle Henri III qui jouxte la salle des Bronzes. Le résultat avait alors beaucoup destabilisé les visiteurs et suscité polémiques.

                                                                                                                     

Beaucoup plus récemment, deux oeuvres ont été inaugurées : deux sculptures et une peinture d'Anselm Kiefer enlefuel2 2007 , puis les vitraux de l'escalier Lefuel par François Morellet en 2010. A ces commandes se rajoute évidemment la fameuse pyramide du Louvre achevée en 1989 par Leoh Ming Pei. Une autre oeuvre ayant engendré des débats mais désormais indissociable, notamment aux yeux des touristes, du Louvre. Qu'en sera - t -il de l'oeuvre de Twombly?    

                                             

*La salle des Bronzes : une salle aux multiples histoires                                                                                                          

salle_des_bronzesLe plafond de Cy Twombly, de 400m², prend place dans la salle des Bronzes, grande salle rectangulaire aux très hautes fenetres. C'est ici, dans cette salle du 1er étage, que se déroulaient sous Louis XVIII et Charles IX  les sessions législatives. Le plafond de la salle devint une verrière dans les années 1860, tandis que de nombreuses vitrines ornaient les murs. Les tonalités de la salle, chaudes, se composaient de brun et de violet, accompagnées de dorures. Le lieu abritait alors des peintures. 

                                                                                          

   De nombreuses mutations s'opèrent durant les années 1920. Tout d'abord, la salle est alors attribuée aux antiquitéssalle_des_bronzes_2 grecques et romaines : on y trouve désormais des bijoux et des bronzes antiques. La gamme de couleurs du lieu repose majoritairement sur le gris tandis que la pierre et le sol sont en marbre. Le plafond demeure immaculé, et ce malgré un projet de peinture par Gérard Fromanger en 1985, projet abandonné.

                                                                                                          

   Par ses usages successifs, la salle des Bronzes constitue un des espaces les plus composites du Louvre. Les oeuvres qui y sont présentées à l'heure actuelle sont constituées de près de 1000 bronzes et 100 bijoux, du IXème siècle au VIème siècle après JC. On y trouve aussi bien des objets de la vie quotidienne que des objets de rites funéraires.   

                                                                                                                

* Le plafond de Cy Twombly : une oeuvre surprenante                                                                                                                   

    Sélectionné par une commission d'experts nationaux, l'artiste américain Cy Twombly exécute ici répond ici à sa deuxième commande française. En 1889, celui-ci avait en effet déjà été sollicité pour la création du rideau de scène de l'Opéra Bastille.

                                                                                                                                                               

   cy_twombly4 Né en 1928 en Virginie, Cy Twombly est un passionné de l'Italie – où il vit à l'heure actuelle – mais aussi de la Grèce,cy_twombly5 où il a effectué de nombreux séjours. Ces deux pays constituent une importante source d'inspiration pour son oeuvre, où on retrouve mythologie, héros et poésie de l'Antiquité. Twombly est surtout connu pour ses peintures-écritures, son graphisme nerveux et ses éclaboussures de couleurs vives sur la toile. Une récente retrospective lui a été consacrée, présente entres autres à la Tate Modern de Londres.

   twombly_plafond2 Mais c'est ici une oeuvre totalement différente qu'inaugure  le Louvre, modestement intitulée 'The Ceiling' ( = le plafond). Au lieu d'imposer son style si particulier, Twombly a en effet préféré s'adapter au lieu et à son identité. « Je voulais faire quelque chose qui serait, avant tout, une réponse à cet espace particulier » a – t – il déclaré. A l'agitation habituelle de son oeuvre contraste ainsi ce plafond, cet immense ciel bleu animé du mouvement de quelques sphères et ponctué d'écritures grecques. Ces dernières correspondent aux noms des principaux sculpteurs grecs actifs au Vè et VIème siècles avt JC, dont Phidias et Praxitèle.

                                                                     

   A partir d'une gamme de bleu – couleur rarement utilisée par Twombly – l'artiste en est arrivé à une nuance bientwombly_plafond précise, utilisée dans de célèbres oeuvres d'arts : la chapelle Scrovegni de Giotto à Padoue, mais aussi les plafonds astronomiques de l'Egypte Antique. Un ciel calme, quasiment apolynien.  « Je voulais un sentiment de flottement, de légèreté au-dessus de cette surface immense. » déclare Twombly. Les sphères renvoient tout autant à des boucliers, des planètes ou des pièces de monnaie, au sein d'une étendue bleue qui évoque le ciel ou la mer.

                                     

  twomblyplafond4Quant aux noms des sept sculpteurs, leur présence rappelle l'importance de l'écriture dans l'oeuvre de Cy Twombly.twombly_3 L'homme, féru de poésie, aime en effet jouer avec les mots, pour leur beauté mais aussi pour leur pouvoir poétique. Des noms qui inscrivent paradoxalement une absence puisque dans la salle ne figure aucune oeuvre de ces sculpteurs dont la postérité n'a principalement conservé que leur nom.

      

  En somme, c'est ici à un parti pris inattendu que s'est livré Twombly, pour un résultat enchanteur. Un petit bout de rêve au-dessus de chefs-d'oeuvres antiques. Un petit coin de paradis.

                                                                                     

Christine Brion.   

                                                                                                                                                         

Liens :

- Page biographique sur Cy Twombly : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cy_Twombly

- Galerie d'images des oeuvres de Twombly : http://www.cytwombly.info/ 

- Courte vidéo sur l'inauguration : http://www.youtube.com/watch?v=IbcLy--0UaY 

- Galerie des oeuvres d'Anselm Kiefer : http://www.artcyclopedia.com/artists/kiefer_anselm.html

- Page sur François Morellet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Morellet

30 mars 2010

''Le Portrait de Dorian Gray'', le chef-d'oeuvre d'Oscar Wilde

Quelques mots sur une des plus belles oeuvres de la littérature britannique, un petit chef-d'oeuvre de l'époque victorienne : Le Portrait de Dorian Gray.

The Picture of Dorian Gray est le seul roman écrit par l'écrivain dandy Oscar Wilde, et demeure sans doute sa plus belle oeuvre.

Contexte de parution de l'oeuvre

  A l'image de nombreux romans du XIXème siècle, Le Portrait de Dorian Gray parut tout d'abord en feuilleton avant180px_Lippincott_doriangray d'être publié sous la forme d'un roman. A l'origine de la parution en feuilleton, une rencontre, entre Wilde et l'américain J.M Stoddart, qui réussit en 1889 à convaincre l'auteur de collaborer à son journal Lippincott's Monthly Magazine. Le roman parut quant à lui un an plus tard, chez Blackett.      

   Loin de passer inaperçu, Le Portrait de Dorian Gray provoqua dès sa publication en feuilleton une véritable campagne d'opposition. On put notamment lire dans The Scots Observer, journal écossais : "Le Portrait de Dorian Gray' est du faux art car il est d'intéret médico-légal ; il est faux pour la nature humaine, car son héros est un monstre. Mr Wilde a de l'esprit, de l'art, du style. Mais, s'il ne peut écrire que pour les nobles hors-la-loi et les petits télégraphistes pervertis, plus tôt il prendra le métier de tailleur mieux cela vaudra pour sa réputation personnelle et la moralité publique."... Ce ne fut en réalité qu'en France que Wilde reçut par la suite un accueil chaleureux, y devenant 'l'auteur du 'Portrait de Dorian Gray'. Comme souvent dans l'histoire de l'art, ce ne fut qu'après sa mort que l'auteur fut reconnu pour son génie dans sa patrie d'adoption, l'Angleterre victorienne.


Résumé du roman

Lord Henry, jeune aristocrate, rend visite à son ami, le peintre Basil Hallward. Il y fait la connaissance d’un jeune homme de dix-sept ans d’une très grande beauté, Dorian Gray. Celui-ci est le modèle de la nouvelle toile du peintre. Fasciné par les conseils de Lord Henry, qui recommande à Dorian de profiter à tout prix de sa jeunesse et de sa beauté, ce dernier fait le vœu que ce soit le portrait qui vieillisse à sa place...

Attention! Pour ceux qui ne connaissent pas le roman et préfèrent découvrir la fin par eux-mêmes, sautez le paragraphe suivant!

Dorian commence à fréquenter les quartiers misérables de Londres. Il tombe bientôt amoureux d’une jeune actrice âgée de seize ans, Sibyl Vane. Il emmène alors Lord Henry et Basil au théâtre ou se produit la jeune fille pour leur démontrer le talent de celle qui est devenue sa fiancée. Mais il se rend compte le soir même que celle-ci est devenue incapable de jouer correctement. Dorian, déçu par la jeune fille, rompt avec elle. Le lendemain, il s’aperçoit que le tableau porte la trace de son méfait et décide alors de se faire pardonner auprès de Sibyl. Mais il est trop tard : celle- ci s’est suicidée, lui apprend Lord Henry. Dorian change alors de comportement, poussé par Lord Henry à dépasser le « malheureux incident ». Les années passent, Dorian adoptant une attitude de plus en plus dépravée, tandis qu’en société, les pires rumeurs se font entendre sur lui. A la veille de son 38ème anniversaire, Dorian croise Basil, qui s’apprête à partir pour Paris. Celui-ci lui confie ses inquiétudes à propos des rumeurs qui circulent sur lui. Dorian en vient à montrer le portrait à Basil qui, horrifié, encourage son ami à se repentir. Mais celui-ci, dans un accès de folie, poignarde Basil. Puis il fait chanter Allan Campbell, célèbre physicien qui fut autrefois son ami, pour que celui-ci fasse dissoudre le corps, ce après quoi Allan se suicide. Lors d’une de ses soirées dans l’un des quartiers sordides de Londres, Dorian se voit menacé par James Vane, le frère de Sibyl, qui cherche depuis plusieurs années à venger sa sœur. Mais il est trompé par la jeunesse de Dorian et, croyant avoir à faire à un innocent, il le laisse partir. Apprenant la vérité, James suit Dorian qui se rend dans sa demeure à la campagne. Il est tué au cours d’une partie de chasse. Dorian, rentré à Londres, décide de se débarrasser du portrait qui est selon lui responsable de sa perte. Mais alors qu’il poignarde la toile, un événement extraordinaire se produit : c’est lui-même qui périt sous le coup du couteau. Les domestiques, ayant entendu un cri, se précipitent, et découvrent la toile qui a retrouvé sa pureté originelle, tandis que le corps de leur maître est celui d’un vieillard d’une laideur repoussante.

Un roman fascinant

DiaporamaGRAY_099Si Le Portrait de Dorian Gray est souvent qualifié de récit fantastique, il est aussi, et surtout, bien plus que cela. Le côté fantastique de l'intrigue ne semble pour Wilde qu'un support, utilisé à d'autres fins. Le roman comprend en effet une dimension quasi-philosophique et éclaire par bien des aspects la personnalité complexe de son auteur. Wilde disait d'ailleurs à propos de son oeuvre : "Ce roman d'étrange apparence contient beaucoup de moi-même. Basil Hallward est ce que je crois être ; Lord Henry, ce que le monde me croit ; Dorian, ce que je voudrais être, dans d'autres circonstances peut-être."

Le récit regorge de thèmes chers à Wilde et au courant du dandysme dans son ensemble, tels entre autres la beauté, la jeunesse, l'hédonisme et l'ambivalence sexuelle. La préface, tout aussi connue que le récit lui-même, constitue d'ailleurs un réceptacle de quelques unes des conceptions provocatrices de l'auteur. La voici, en langue originale, s'il vous plait!

"The artist is the creator of beautiful things. To reveal art and conceal the artist is art's aim. The critic is he who can translate into another manner or a new material his impression of beautiful things.

The highest as the lowest form of criticism is a mode of autobiography. Those who find ugly meanings in beautiful things are corrupt without being charming. This is a fault.

Those who find beautiful meanings in beautiful things are the cultivated. For these there is hope. They are the elect to whom beautiful things mean only beauty.

There is no such thing as a moral or an immoral book. Books are well written, or badly written. That is all.

The nineteenth century dislike of realism is the rage of Caliban seeing his own face in a glass.

The nineteenth century dislike of romanticism is the rage of Caliban not seeing his own face in a glass. The moral life of man forms part of the subject-matter of the artist, but the morality of art consists in the perfect use of an imperfect medium.

No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved. No artist has ethical sympathies. An ethical sympathy in an artist is an unpardonable mannerism of style. No artist is ever morbid. The artist can express everything.

Thought and language are to the artist instruments of an art. Vice and virtue are to the artist materials for an art. From the point of view of form, the type of all the arts is the art of the musician. From the point of view of feeling, the actor's craft is the type. All art is at once surface and symbol. Those who go beneath the surface do so at their peril.

Those who read the symbol do so at their peril. It is the spectator, and not life, that art really mirrors. Diversity of opinion about a work of art shows that the work is new, complex, and vital. When critics disagree, the artist is in accord with himself. We can forgive a man for making a useful thing as long as he does not admire it. The only excuse for making a useless thing is that one admires it intensely.

All art is quite useless."

Le Portrait de Dorian Gray s'inscrit au sein du Symbolisme, mouvement artistique apparu en France vers le dernierportrait_de_dorian_gray_dorian_janon tiers du XIXème siècle et qui touche notamment en grande partie la poésie de l'époque.  Le roman A rebours de Huysmans, source d'inspiration pour Wilde, fait partie des oeuvres à l'esthétique symboliste. Rejetant le réalisme et le naturalisme, les symbolistes ont comme dessein l'expression des impressions et des sensations davantage que la réalité objective du monde environnant. L'écriture de Wilde repose davantage sur la suggestion que sur la monstration. Le 1er chapitre illustre bien ce fait. Dès le début du roman, le lecteur pénètre dans un monde de sensations, à l'atmosphère particulière, fascinante mais aussi vénéneuse. Voici ainsi le tout début du roman :

"The studio was filled with the rich odour of roses, and when the light summer wind stirred amidst the trees of the garden, there came through the open door the heavy scent of the lilac, or the more delicate perfume of the pink-flowering thorn.

From the corner of the divan of Persian saddle-bags on which he was lying, smoking, as was his custom, innumerable cigarettes, Lord Henry Wotton could just catch the gleam of the honey-sweet and honey-coloured blossoms of a laburnum, whose tremulous branches seemed hardly able to bear the burden of a beauty so flamelike as theirs; and now and then the fantastic shadows of birds in flight flitted across the long tussore-silk curtains that were stretched in front of the huge window, producing a kind of momentary Japanese effect, and making him think of those pallid, jade-faced painters of Tokyo who, through the medium of an art that is necessarily immobile, seek to convey the sense of swiftness and motion.

The sullen murmur of the bees shouldering their way through the long unmown grass, or circling with monotonous insistence round the dusty gilt horns of the straggling woodbine, seemed to make the stillness more oppressive. The dim roar of London was like the bourdon note of a distant organ. "


DiaporamaGRAY_022Au sein du roman même, la plupart des conceptions de l'auteur sont développées par le biais du personnage de Lord Henry Wotton, pygmalion maléfique mais attirant de Dorian. C'est en effet à ce personnage que sont rattachés quelques-uns des plus beaux passages du récit, et notamment son fameux discours à l'adresse de Dorian lors de leur rencontre. Ce discours influence radicalement le destin de ce dernier puisqu'il est à l'origine du voeu prononcé par le personnage, et donc indirectement à l'origine de la déchéance de ce dernier.

  Parmi ces superbes passages, qui méritent d'être lus en langue originale pour pleinement apprécier la beauté du style, en voici quelques-uns, issus des échanges entre Lord Henry Wotton et Dorian Gray :

"There is no such thing as a good influence, Mr. Gray. All influence is immoral--immoral from the scientific point of view." 

"Why?" 

"Because to influence a person is to give him one's own soul. He does not think his natural thoughts, or burndoriangrayvioloniste with his natural passions. His virtues are not real to him. His sins, if there are such things as sins, are borrowed. He becomes an echo of some one else's music, an actor of a part that has not been written for him. The aim of life is self-development. To realize one's nature perfectly -- that is what each of us is here for. People are afraid of themselves, nowadays. They have forgotten the highest of all duties, the duty that one owes to oneself. Of course they are charitable. They feed the hungry, and clothe the beggar. But their own souls starve, and are naked. Courage has gone out of our race. Perhaps we never really had it. The terror of society, which is the basis of morals, the terror of God, which is the secret of religion  - these are the two things that govern us." 

"And yet," 

continued Lord Henry, in his low, musical voice, and with that graceful wave of the hand that was always so characteristic of him, and that he had even in his Eton days, 

"I believe that if one man were to live out his life fully and completely, were to give form to every feeling, expression to every thought, reality to every dream -- I believe that the world would gain such a fresh impulse of joy that we would forget all the maladies of mediaevalism, and return to the Hellenic ideal-- to something finer, richer than the Hellenic ideal,it may be." 

doriangraypeuple"But the bravest man amongst us is afraid of himself. The mutilation of the savage has its tragic survival in the self-denial that mars our lives. We are punished for our refusals. Every impulse that we strive to strangle broods in the mind and poisons us. The body sins once, and has done with its sin, for action is a mode of purification. Nothing remains then but the recollection of a pleasure, orthe luxury of a regret. The only way to get rid of a temptation is to yield to it. Resist it, and your soul grows sick with longing for the things it has forbidden to itself, with desire for what its monstrous laws have made monstrous and unlawful. It has been said that the great events of the world take place in the brain." 

It is in the brain, and the brain only, that the great sins of the world take place also. You, Mr. Gray, you yourself, with your rose-red youth and your rose-white boyhood, you have had passions that have made you afraid, thoughts that have filled you with terror, day-dreams and sleeping dreams whose mere memory might stain your cheek with shame --"


Et le célèbre monologue de Lord Henry Wotton sur la jeunesse :

"You have the most marvelous youth, and youth is the one thing worth having.… Someday when you are old andDG2008deuxmasques_0037 wrinkled and ugly, when thought has seared your forehead with its lines and passion branded your lips with its hideous fires, you will feel it. You will feel it terribly. Now, wherever you go you charm the world. Will it always be so? You have a wonderfully beautiful face, Mr. Gray.…And beauty is a form of genius-is higher, indeed, than genius, as it needs no explanation. It is one of the great facts of the world, like sunlight or springtime or the reflection in dark waters of that silver shell we call the Moon. It cannot be questioned. It has its divine right of sovereignty. It makes princes of those who have it. You smile-ah, when you have lost it you won't smile. People say sometimes that beauty is only superficial. That may be so, but at least it is not so superficial as thought is. To me, beauty is the wonder of wonders. It is only shallow people who do not judge by appearances. The true mystery of the world is the visible, not the invisible."

En espérant que ces quelques lignes vous donnent envie de lire ou redécouvrir un des romans, à mon sens, les plus fascinants de la littérature du XIXème siècle...


Christine Brion.

Images :

- Couverture du Lippincott's Monthly Magazine. Source : wikipedia.

- ''Le Portrait de Dorian Gray'', peinture de l'artiste Dorian Janon.

- Photographies issues du spectacle musical ''Le Portrait de Dorian Gray'' créé le 5 septembre 2008 au Théâtre Barnabé de Servion, près de Lausanne. Décors de style expressionniste créés par Béatrice Lipp.

Liens :

- sur le Symbolisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Symbolisme_(art)

- Extrait audio de ''Le Portrait de Dorian Gray'' :   http://www.youtube.com/watch?v=UsRP-YUS_kg

Il existe en anglais une très belle version, lue par l'acteur Rupert Graves.

- Site des manifestations autour de ''Le Portrait de Dorian Gray'' ayant eu lieu lors de la création du spectacle de septembre 2008 en Suisse au Théâtre Barnabé de Servion :  http://www.aragos.ch/doriangray.htm 

26 mars 2010

Oscar Wilde ou une oeuvre polymorphe

Après avoir rapidement présenté la vie d'Oscar Wilde, voici un deuxième article sur le dandy victorien, portant cette fois-ci sur son oeuvre.

Oscar Wilde a laissé à la postérité une oeuvre riche et éclectique. On retient souvent de l'auteur l'image d'un dandy, cynique, très critique de la société de son temps. Cette image n'est pas fausse, mais elle est réductrice. L'oeuvre de Wilde est beaucoup plus complexe et variée que ne le laisse supposer cette image forgée par la postérité.

salome  Outre Le Portrait de Dorian Gray, son unique roman, Oscar Wilde est principalement connu pour ses pièces de théâtre. L'auteur a en effet écrit un peu moins d'une dizaine de pièces, dont les plus connues sont The importance of being Earnest (1895), An ideal husband (1895) et Lady Windermere's fan (1893). En marge de celles-ci, qui dénoncent sur un mode humoristique les travers de la société victorienne, on trouve aussi Salomé, pièce à l'esthétique décadente écrite en 1893 pour Sarah Bernhardt d'après le récit biblique* et illustrée par les superbes dessins d'Aubrey Beardsley (cf ci contre). Toutes ces pièces furent représentées du vivant même de l'auteur.

Le dandy est aussi connu pour ses nouvelles, et notamment pour Lord Arthur Savile's Crime and other stories publiécanterville  en 1891. Ce recueil mêlant l'humour et le fantastique comprend entre autres The Canterville Ghost et The Portrait of Mr W.H.

  Mais l'artiste a également abordé de nombreux autres genres. Ainsi, Oscar Wilde a écrit de nombreux poèmes, obtenant déjà en 1878 le Newdigate Prize pour Ravenna. Son plus célèbre poème demeure The Ballad of Reading Gaol, long poème écrit en 1897, à sa sortie de prison, et décrivant les derniers moment d'un condamné à mort qui par plusieurs points renvoie à la figure du Christ.

happy_prince  Wilde a aussi écrit plusieurs recueils de contes : The Happy Prince and Other Stories et A house of Pomegranates, tous les deux publiés en 1891. Ces oeuvres contrastent tout particulièrement avec l'image habituelle de l'auteur.

  Enfin, Oscar Wilde s'est aussi exercé dans le genre de l'essai, esthétique ou politique. Sont ainsi publiés entre autres The Soul of Man under Socialism, qui prône l'individualisme face au socialisme, et le recueil esthétique Intentions en 1891.

  Sans oublier l'oeuvre ultime de l'auteur, De Profondis, longue lettre écrite en 1897 depuis la prison de Reading et adressée à Lord Alfred Douglas. Cette dernière ne sera publiée qu'en 1905, soit cinq ans après la mort de l'auteur, dans une version expurgée. Il faudra attendre 1962 pour qu'elle soit publiée dans son intégralité.

Une oeuvre maintes fois adaptée

  L'oeuvre prolifique d'Oscar Wilde a inspiré et continue d'inspirer de très nombreux artistes. Les adaptations littéraires, cinématographiques, musicales... qui en ont été faites sont ainsi tellement nombreuses qu'il est impossible de toutes les évoquer. En voici néanmoins quelques exemples.

- Les adaptations littéraires

  Les oeuvres de Wilde ont entre autres suscité des imitations. Dans cette catégorie, on peut citer celle de de Will Self, intitulée Dorian. L'auteur présente lui-même son livre comme une 'imitation', transposition des thèmes du chef-d'oeuvre d'Oscar Wilde un siècle après. Le roman est ainsi situé dans le Londres des années 1980 et devient un pastiche caustique de l'original, une réflexion sur la superficialité sur fond de débauche durant les années de recrudescence du sida. Bien loin de la subtilité et du pouvoir de suggestion du roman originel...

51S9ZVWJ53L__SL500_AA300_Dans un autre genre, sort en 1998 Dorian : a sequel to the Picture of  Dorian Gray, rédigé par Jeremy Reed. Dans cette suite, Dorian Gray, qui a survécu à la destruction de son portrait mais doit à présent affronter les affres du temps qui passe, vit à présent à Paris avec Lord Henry Wotton, et y rencontre Oscar Wilde sorti de prison! Expert en sciences occultes, il finit par fuir la capitale parisienne pour Venise, où  il meurt de façon grandiose, en un grand renversement du roman initial.

 

L'univers de Wilde a également donné envie à certains écrivains de prendre leur plume afin de donner vie par lesoscar_wilde mots à leur auteur fétiche. C'est le cas de Gyles Brandreth avec ses polars mettant en scène Oscar Wilde, évoqués dans un précédent article. Dans le deuxième volet de la série, Oscar Wilde et le jeu de la mort, Wilde propose à ses amis un étrange jeu. Chacun doit inscrire sur un papier le nom de sa personne, aux participants de deviner qui veut tuer qui. Mais bientôt, la Mort commence à frapper les victimes potentielles dans l'ordre de la liste... Après Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles, Oscar Wilde et le jeu de la mort est tout aussi agréable à lire.

 

- Les adaptations cinématographiques

   De nombreux réalisateurs ont adapté pour l'écran des oeuvres de Wilde. Le Portrait de Dorian Gray, sur lequel je reviendrai plus en détail dans un prochain article, a ainsi très certainement été l'oeuvre la plus adaptée du dandy.

salome_silent Parmi les autres adaptations, on peut notamment citer celle de Charles Bryant, Salomé, sortie en 1922 aux Etats-Unis. L'audace de celle-ci n'aurait sans doute pas déplu à Wilde. Dans ce film, les surprenants décors et costumes, mis au point par Natacha Rambova, s'inspirent des dessins d'Audrey Beardsley. Les femmes de la cour d'Hérode sont en fait des hommes travestis, l'orchestre est composé de nains et le bourreau est en réalité un homme blanc peint en noir. On obtient une oeuvre curieuse, plastiquement très novatrice.

l__ventail2 La pièce L'éventail de Lady Windermere a notamment été adapté deux fois à l'écran. En 1925, sort la version   02703878_photo_l_eventail_de_lady_windermereréalisée par Ernst Lubitsch. Découverte il y a quelques années, cette version est considérée comme l'apogée de l'art muet du réalisateur. Plus récemment, Mike Barmer a livré en 2004 sa version de la pièce, avec notamment Scarlett Johansson. Une version sympathique qui s'apparente cependant davantage à un téléfilm.

00802184_photo_affiche_un_mari_ideal On peut enfin également citer les adaptations d'Oliver Parker. Est ainsi sorti en 1999 Un mari idéal, 00791114_photo_affiche_l_importance_d_etre_constantadaptation savoureuse au casting charmant, comptant entre autres Rupert Everett, Cate Blanchett, Jeremy Northam et Julianne Moore. Trois ans plus tard sort son adaptation de L'importance d'être constant, toujours avec Rupert Everett, et avec cette fois-çi Colin Firth. Moins réussi que le précédent opus, le film se révèle néanmoins aussi pétillant que la comédie de Wilde.

 

- Les adaptations musicales

Les oeuvres de Wilde ont enfin été une source d'inspiration de nombreux morceaux, ballets et opéras. Celles-ci sont aussi variées que les oeuvres originelles. Ainsi, en 1945, Bernard Herrmann créé une mélodie pour l'enregistrement audio de The Happy Prince par Orson Welles. En 1905, Richard Strauss fait de Salomé un opéra. Un siècle plus tard, en 2009, le rockeur Pete Doherty, fan d'Oscar Wilde, écrit une chanson du même titre pour son album Grace/Wastelands. Le chanteur Rufus Wainwright a quant à lui composé In with the ladies, chanson mentionnant notamment 'Bosie', Lord Alfred Douglas.

* Fille d'Hérodiade, Salomé danse devant le roi Hérode. Fasciné par la jeune fille, ce dernier lui demande ce qu'elle désire. Sur les conseils de sa mère, Salomé réclame alors la tête du prophète Jean-Baptiste, prisonnier du roi. Jean-Baptiste est ainsi décapité et sa tête est apportée sur un plateau à Salomé. Chez Wilde, la version est légèrement différente : Salomé, amoureuse de Jean-Baptiste, est rejetée par celui-ci.  Elle se venge ainsi en réclamant sa mort et la pièce se conclut par le baiser qu'elle dépose sur les lèvres de la tête coupée du prophète.

Christine Brion.

Liens :

- Biographie en anglais contenant de nombreux liens vers des pages sur des oeuvres de Wilde : http://en.wikipedia.org/wiki/Oscar_Wilde

- Site présentant quelques oeuvres de Wilde en ligne : http://www.online-literature.com/wilde/

- Création vidéo autour de plusieurs oeuvres de Wilde : http://www.youtube.com/watch?v=4v_O0zLPsbs&feature=PlayList&p=5B07894A763BD96C&index=43 

- Gallerie d'images des dessins d'Audrey Beardsley : http://beardsley.artpassions.net/ 

- Bande-annonce de 'An ideal husband' d'Olivier Parker : http://www.youtube.com/watch?v=ST4ne1nVK0w

- Bande-annonce de 'The importance of being Earnest' : http://www.youtube.com/watch?v=U42lBo8fST8

- Morceau 'Salomé de Pete Doherty : http://www.youtube.com/watch?v=P5-QFRBTmHg

- Paroles de 'In with the ladies' de Rufus Wainwright (la chanson étant malheureusement introuvable sur le net...) : http://rufus.jt.org/song.php?i=InWiththeLadies 

 

9 février 2010

Oscar Wilde ou un destin hors norme

Un petit zoom sur un des auteurs britanniques les plus fascinants de l'époque victorienne : Oscar Wilde!

Oscar Wilde ou le présage d'un grand destin

oscar_wilde2Oscar Wilde, de son vrai nom Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wilde, voit le jour à Dublin le 16 octobre 1854. Son père, William Wilde, est un chirurgien de renom tandis que sa mère, Jane Francesca Agnes, dite 'Speranza', est une poétesse. Dotée d'une personnalité fantasque, cette dernière croit très tôt au génie de son fils, qui affirme déjà à douze ans : "Quand je serai grand, je serai le héros d'un fameux procès." Oscar Wilde ou la prescience d'un destin funeste. Autour du jeune garçon, un frère et une soeur, Isora, qui meurt en 1864. Une mort dont ne se remettra jamais totalement le jeune Oscar, qui adorait sa soeur.

Après des études à la Portora Royal School, le jeune Oscar poursuit son éducation au Trinity Collège de oscarwilde   Dublin. Il y fait preuve d'une forte personnalité et se distingue des autres étudiants par l'extravagance de ses tenues. Puis, le jeune homme intègre Oxford. L'université sert de cadre à une rencontre fondamentale pour l'artiste en devenir. En effet, un des professeurs d'Oscar n'est autre que John Ruskin, un des porte-parole du mouvement de l'Art pour l'Art selon lequel l'art ne doit être que recherche du Beau, sans aucune préoccupation morale ou sociale. Une doctrine que fait sienne Oscar. Wilde s'installe en 1879 à Londres, devenant rapidement chef de file des 'esthètes'. Il donne d'ailleurs une série de conférences sur le sujet aux Etats-Unis. En 1884, le dandy épouse Constance Lloyd, une de ses admiratrices, qui lui donnera deux fils, Cyril et Vyvyan.

Le crime de Narcisse *

HomosexualitywildeEn 1891, Wilde fait la rencontre de Lord Alfred Douglas de Queensberry. Les deux hommes deviennent amants et affichent publiquement leurs rapports. La société victorienne n'accepte pas officiellement ce genre de liaison. Le père d'Alfred, le marquis de Queensberry somme Wilde de s'éloigner de son fils ; Wilde lui répond en intentant un procès pour diffamation. Mais la manoeuvre se retourne contre l'auteur, à son tour attaqué, accusé de perversion. Marqués par les savoureuses joutes oratoires entre Wilde et l'avocat du marquis, les différents procès se concluent par la condamnation de l'artiste, le 27 mai 1895, à  deux ans de travaux forcés pour délit d'homosexualité à la très répressive prison de Reading, au sud de l'Angleterre. La femme de Wilde et ses enfants fuient en Allemagne sous le patronyme de 'Holland', tandis qu'Alfred part en exil.

La danse de mort *

En 1897, à sa sortie de prison, Wilde part pour la France. Il y prend le nom de Sébastien Melmoth, en chambre_oscar_wilderéférence au roman 'Melmoth the Wanderer' de Charles Robert Mathurin. Malgré l'aide de quelques amis, l'auteur est désormais un être brisé, ruiné. Il finit par mourir le 30 novembre 1900, d'une méningite. D'après la légende, parmi ses derniers mots, dans une chambre de l'hôtel du 13 Rue des Beaux Arts, la phrase suivante :"Ou c'est ce papier peint qui disparait, ou c'est moi'. Une dernière boutade avant la mort.

tombeau_oscar_wildeLes restes de l'artiste sont finalement transférés en 1909 au cimetière du Père-Lachaise, division 89. Pour tombeau, une immense sculpture égyptienne sculptée par Sir Jacob Epstein. Une oeuvre à l'image de la démesure de l'auteur, de nos jours parsemée de baisers et de citations wildiennes, griffonnées par des touristes du monde entier...

* Ces titres sont tirés du livre  'Oscar Wilde ou les cendres de la gloire' de Frédéric Ferney.

Les traits d'esprit d'Oscar Wilde

Oscar Wilde était réputé pour ses aphorismes fondés sur des paradoxes. La postérité en a retenu de nombreux. En voici quelques-uns parmi les plus inoubliables, en langue originale, s'il vous plait! :

Sur les relations humaines :

- "A man cannot be too careful in the choice of his enemies."

- "To love one's self is the beginning of a life-long romance."

- "Men always want to be a woman's first love. Women have a more subtle instinct: What they like is to be a man's last romance"

- "Anyone can sympathize with the sufferings of a friend, but it requires a very fine nature to sympathize with a friend's success."

- "It is perfectly monstruous the way people go about nowadays saying things against one, behind one's back, that are absolutely and entirely true. "

Sur l'Art :

- "One should either be a work of art, or wear a work of art."

- "Dandyism is the assertion of the absolute modernity of Beauty."

- "No great artist ever sees things as they really are. If he did, he would cease to be an artist."

- " I love acting. It is so much more real than life."

-  "The public is wonderfully tolerant. It forgives everything except genius."

Sur les aspirations humaines :

- "I can resist anything except temptation"

- "The best way to get rid of a temptation is to yield to it."

- "In this world there are only two tragedies: one is not getting what one wants, and the other is getting it.'

- "We are all in the gutter, but some of us are looking at the stars."

Christine Brion.

Références :

- Frédéric Ferney, Oscar Wilde ou les cendres de la gloire, Société des Editions Mengès Collection Destins, 157 pages, 2007.

- André Gide, Oscar Wilde, Editions Mercure de France, 75 pages, 1989.

- Merlin Holland (petit-fils de Wilde), Le procès d'Oscar Wilde, Editions Stock, 419 p., 2005.

- Odon Vallet, L'affaire Oscar Wilde, Folio Gallimard, 97.

- Aphorismes, Editions Mille et une nuits, 97.

Liens :

- Article 'The 10 most popular misconceptions about Oscar Wilde' : http://www.guardian.co.uk/books/2003/may/07/top10s.oscar.wilde

- Historique de 'L'Hôtel', hôtel où est décédé Oscar Wilde : http://fr.l-hotel.com/histoire/sur_lhistoire/

- Page wikipedia du film 'Wilde' de Brian Gilbert sorti en 1997, avec Stephen Fry, Jude Law et Michael Sheen : http://en.wikipedia.org/wiki/Wilde_(film) La bande-annonce semble malheureusement introuvable sur le net...

29 janvier 2010

Demain dès l'aube... : "Etes-vous prêts à entrer dans le jeu?"

Sorti le 12 août dernier au cinéma, ayant très vite quitté les salles parisiennes, le dernier film de Denis Dercourt sort en dvd le 3 février. Un petit bijou cinématographique qui (d)étonne au sein de la production française.

demain_d_s_l_aubeUn champ de blé embrumé, à l'aube. Deux soldats napoéloniens se livrent à un duel. L'un des deux finit blessé. A première vue, la séquence pourrait laisser croire à un film d'époque. Il n'en est pourtant rien.

Mathieu, pianiste de carrière, traverse une crise existentielle. S'éloignant pour quelques temps de sa femme et de son fils, il revient chez sa mère malade. Celle-ci  lui demande de veiller sur son jeune frère, Paul, passionné de reconstitutions de batailles historiques. Heureux de retrouver Mathieu, Paul lui fait découvrir son monde, sa passion. Un univers qui étonne et inquiète Mathieu qui n'a pourtant bientôt d'autre choix que d'y plonger à son tour pour protéger son jeune frère...

Le nouveau film de Denis Dercourt aborde un sujet rarement exploité au cinéma : le jeu de rôle et ces hommes et femmes qui le pratiquent, les rôlistes. Un univers original et fascinant qui intéresse le réalisateur depuis huit ans : "J'ai découvert par un article dans un journal l'existence de ces gens qui chaque week-end endossent un costume et recréent aussi fidèlement que possible certaines périodes historiques, la plus représentée étant l'époque napoléonienne. C'est un phénomène assez secret, mais qui existe un peu partout dans lemonde. [...] Lorsqu'on interroge ce qui pousse ces gens à estomper leur identité pour se projeter ainsi en hussards, on a affaire au reliquat d'enfance présent en chacun, réprimé mais bien là, enfoui. Elle s'exprime ici par une inclinaison que je crois très cinématographique, le goût du déguisement."

 

Initialement, le titre du film devait être "Loin des balles". Une référence directe au personnage de Mathieu, ainsi surnommé par ses ennemis du 5ème régiment qui méprisent les musiciens. Un titre qui aurait mis l'accent comme "La tourneuse de pages" sur le héros du film. Denis Dercourt a en fin de compte troqué ce titre contre celui de "Demain dès l'aube". Une référence évidente au célèbre poème composé par Hugo en l'honneur de sa fille Léopoldine. Car la relation familiale est ici essentielle, non plus paternelle mais fraternelle. Loin de la relation de haine qui liait Mélanie à Ariane dans "La Tourneuse de pages", Mathieu et Paul se vouent une profonde affection. Etonné puis inquiété et directement touché par les jeux dangereux auquels se livre son jeune frère, Mathieu ne désire qu'une seule chose : sortir Paul du jeu.  L'écarter de la brume pour le faire à nouveau parvenir à la lumière.

 

demain_des_l_aube_44774Ici, le thème de la vengance est externe au duo principal, cédant la place au thème de la rédemption, à un possible sacrifice de soi. Mélanie était prête à tout pour se venger ; Mathieu est prêt à tout pour se racheter, auprès d'une famille qu'il a manifestement un peu délaissée. "Jusqu'où est -on prêt à aller pour quelqu'un qu'on aime?"  semble être la question sous-jacente du film.  Peut-on aller jusqu'à la mort?  "La Tourneuse de pages" se terminait par la mort symbolique d'un personnage. Mathieu parviendra - t -il à sauver son frère? Je préfère ici ne pas apporter la réponse.

Comme dans "La Tourneuse de pages", le scénario, également écrit par Denis Dercourt, procède par ellipses. Tel une nouvelle de Maupassant, le film ne nous donne en effet que peu d'informations sur ses personnages. Quel a été le passé de Mathieu et de Paul ? Nous ne le saurons jamais. Pas davantage que l'origine de la crise existentielle que traverse Mathieu et ce en quoi consistent réellement ses rapports avec sa femme - et agent - dont il a décidé de s'éloigner. Le spectateur doit composer avec qu'il sait, ce qu'il voit des personnnages. Et au fond, nul besoin d'en savoir davantage.

Les fins des films de Denis Dercourt laissent toujours un goût un peu amer. Le film se clôt et nous laisse avec quelques questions sur les lèvres, des réponses non apportées. "Que se passera - t - il après?" a - t- on envie de demander. Et le film de nous répondre "A vous d'imaginer, à vous de trouver les autres clés."

demain_4La mise en scène, quant à elle, se caractérise par un classicisme séduisant et une imposante froideur. La photographie, soignée, fait la part belle aux teintes sombres, notamment bleutées, et aux effets de lumière.  "La tourneuse de pages" et "Demain dès l'aube" parviennent tous deux à distiller au compte-goutte un malaise croissant. Une tension sous-jacente permanente, mais grandissante alors que s'opère une confusion entre la réalité et le jeu. Car si Mathieu et Paul parviennent encore à effectuer des mouvements de va - et - vient de l'autre côté du miroir - et ce même si c'est avec difficulté -  la poignée d'hommes du 5ème régiment qui deviennent les ennemis de Mathieu, ne parviennent manifestement plus quant à eux à revenir du côté de la réalité. Peu à peu les spatialités et temporalités bien séparées se fondent, le monde des jeux de rôles dépasse son simple statut de jeu pour faire irruption dans le monde réel. Comme dans 'La Tourneuse de pages', une passion se transforme ici en folie, en danger pour soi-même mais aussi, et surtout, pour les autres.

Côté interprétation, le film est mené par le beau duo fraternel composé par Vincent Perez ( Mathieu) et Jérémie Renier (Paul). Souvent abonné aux rôles de bel homme charmeur mais dénué de réelle profondeur, Vincent Perez surprend ici par sa composition tout en intériorité et sobriété, paradoxalement  la plus remarquable de sa carrière. Derrière la maîtrise et la froideur apparente de son personnage, les fêlures d'un artiste musicien qui s'est tellement consacré à sa musique qu'il en a en partie oublié son entourage. Le personnage du musicien est une récurrente du cinéma de Denis Dercourt. En effet, "Mes enfants ne sont pas comme les autres", sorti en 2003, traite d'un père musicien qui pousse de manière autoritaire ses enfants à se dépasser dans ce domaine. "La Tourneuse de pages" voyait quant à elle une musicienne professionnelle en proie en doute. Un leitmotiv qui ponctue donc l'oeuvre de Denis Dercourt, lui-même ancien musicien passionné d'alto.

demain_3Face à Vincent Perez, Jérémie Renier campe le jeune frère passionné quant à lui d'histoire et captivé par l'époque napoléonienne. Une sorte de grand adolescent aux fragilités psychiques évidentes. De ses grands sourires quasiment béats à son style vestimentaire en passant par sa démarche un peu pataude, plusieurs signes rattachent son personnage à un grand enfant, un adolescent qui ne serait pas encore sorti de ses rêves. Un personnage fixé, obsédé, à la limite de la folie. D'une certaine manière, on pense au personnage de Mélanie dans "La Tourneuse de pages". Mais il s'agit de deux types différents de folie. S'il provoque le danger autour de lui, Paul n'est pas un ange de mort contrairement à Mélanie.

Pour compléter ce duo, trois principaux rôles secondaires : la jeune épouse de Mathieu (Anne Marivin), la mère du duo fraternel (Francoise Lebrun) et le capitaine Déprées (Aurélien Recoing). Ce dernier, impressionnant, incarne un personnage profondément inquiétant. Dès la scène de rencontre avec le personnage de Mathieu dans le camp militaire installé dans la forêt, le spectateur en est certain : l'homme ne joue plus à être capitaine, il est devenu le capitaine Déprées.

demain_des_l_aube_2Enfin, on ne saurait éclipser la musique, élément essentiel des films de Denis Dercourt. Les morceaux instrumentaux de "Demain dès l'aube" sont signés Jérôme Lemonnier, également compositeur de "La Tourneuse de pages". Comme dans ce dernier, il signe ici de superbes partitions de piano, sombres et passionnées, qui accentuent l'atmosphère de drame du film. Des airs hypnotiques et vénéneux qui participent beaucoup au charme d'un film qui séduit, trouble et hante pour longtemps.

Christine Brion.

 

 

Références :"Demain dès l'aube" de Denis Dercourt, avec Vincent Perez, Jérémie Renier, Aurélien Recoing, Anne Marivin, Françoise Lebrun, Gérald Laroche et Nicolas Briançon. Produit par Diaphana Films et France 3 Cinéma, distribué par Diaphana Distribution. 1h44.

 

Liens :

- Bande - annonce du film : http://www.youtube.com/watch?v=JIqI9xPQd2c 

- Page wikipedia du film : http://fr.wikipedia.org/wiki/Demain_d%C3%A8s_l'aube..._(film)

- Interview de Denis Dercourt, 'le bourgeois et la faille' : http://www.evene.fr/cinema/actualite/denis-dercourt-demain-des-l-aube-perez-2174.php 

- "Secrets de tournage" : http://www.allocine.fr/film/anecdote_gen_cfilm=136723.html

- Page deezer de la bande-originale du film : http://www.deezer.com/en/music/jerome-lemonnier/demain-des-l-aube-369479 

- Page wikipedia sur "La Tourneuse de pages" : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Tourneuse_de_pages 

- Page sur "Mes enfants ne sont pas comme les autres" : http://www.cinemovies.fr/fiche_film.php?IDfilm=2193 

- Article wikipedia sur les jeux de rôles : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_de_r%C3%B4le

- Poème "Demain dès l'aube" de victor hugo : http://fr.wikipedia.org/wiki/Demain,_d%C3%A8s_l'aube...

 

22 janvier 2010

''Oscar Wilde et le meurtrier aux chandelles''

Vous connaissiez Oscar Wilde auteur, le voici détective! L'année 2009 a vu la parution en France  d' Oscar Wilde et le meurtrier aux chandelles, roman policer écrit par Gyles Brandreth. Une lecture divertissante qui ouvre une série de polars prometteuse.

 

wilde_et_le_meurtrier_aux_chandellesLe genre du roman policier a toujours été prisé par les britanniques. Ce sont en effet notamment des auteurs tels Agatha Christie ou Conan Doyle qui ont contribué à donner à ce genre parfois méprisé ses lettres de noblesse. Encore de nos jours, de nombreux anglo-saxons aiment à s'y consacrer telle Anne Perry, qui replace ses enquêtes dans l'époque de l'Angleterre victorienne. Un cadre historique passionnant et propice au roman policier, également choisi par Gyles Brandreth.

Le sujet de Oscar Wilde et le meurtrier aux chandelles ? Le voici! "En cette fin de siècle trépidante, Oscar Wilde, dandy éclairé, virevolte de mondanités en rendez-vous discrets, lorsqu'un drame vient bouleverser sa vie. Tandis qu'il s'apprête à écrire Le Portrait de Dorian Gray, il découvre dans un meublé le corps d'un jeune garçon de sa connaissance. Tout semble indiquer un meurtre rituel. Et, en ami fidèle, Oscar Wilde s'est juré de ne pas trouver le repos tant que justice n'aura pas été faite pour Billy Wood." 

La grande originalité de ce nouveau roman policier réside de faire d'un auteur de romans le détective d'une enquête policière. Une idée qui n'est pas totalement inédite, puisque c'est notamment sur celle-ci que se fondait le film ''Hammet'' (1982) réalisé par Wim Wenders. Dans ce dernier, Dashiell Hammet, lui-même auteur de polars, se retrouvait malgré lui devoir enquêter sur un meurtre. Ici, le choix de Gyles Brandreth s'est porté sur le dandy Oscar Wilde. Un auteur qui l'a toujours fasciné et dont il connaît l'oeuvre de manière approfondie.

Cette admiration de l'auteur pour l' ''enfant terrible'' de l'époque victorienne se ressent tout au long du livre et contribue à sa réussite. En gyles_brandretheffet, le lecteur a véritablement l'impression de se retrouver en compagnie de Wilde. Si le narrateur n'est pas ce dernier, mais Robert Sherard - journaliste et écrivain ami de Wilde, à qui il consacra plusieurs ouvrages - , la présence et l'aura d'Oscar émaille les pages. Fidèle à lui-même, Oscar Wilde enquêteur se révèle brillant et complexe, non dénué de zones d'ombres, à l'image de Sherlock Holmes lui-même, modèle avoué du détective improvisé. L'enquête est parsemée de quelques sentences wildiennes - telle la fameuse ''Je résiste à tout sauf à la tentation'' -, aphorismes dont Oscar Wilde testait d'abord l'effet sur ses proches avant de les insérer dans ses oeuvres. Une manière savoureuse d'appuyer la personnalité de l'homme, et un plaisir pour les fans qui retrouvent les paradoxes wildiens qu'ils ont sur le bout des lèvres.

Le charme du roman provient en grande partie du mélange entre intrigue inventée et décors et personnages qui ont bien existé. Le récit met ainsi notamment en scène, outre Oscar et son ami Robert, Conan Doyle, Constance Wilde et John Gray, autre ami du dandy (et modèle inavoué de Dorian Gray?). Les différentes péripéties sont mêlées à une connaissance précise des habitude de l'auteur victorien - telles les soirées à l'Albermale Club - et à de nombreuses informations sur sa vie - telle entre autres son amitié avec Marie Aguétant, fille de joie rencontrée dans un music-hall parisien et assassinée.

L'intrigue, bien menée, se double ainsi tels les grands polars d'une description de la société environnante, et de ses contradictions, apportant quelques éclairages sur les aspects sous-jacents de la société victorienne. Deux bonnes raisons pour ne pas passer à côté de ce roman savoureux.

Un deuxième volet a suivi ce premier roman : Oscar Wilde et le jeu de la mort. Le prochain titre, Oscar Wilde et le cadavre souriant, doit faire son apparition en mars prochain. 

Christine Brion.

Références :

Oscar Wilde et le meurtrier aux chandelles de Gyles Brandreth, Edition 10X18 collection Grands Détectives, 5 février 2009, 384 p.

Oscar Wilde et le jeu de la mort de Gyles Brandreth, Edition 10X18 collection Grands détectives, 5 février 2009, 460 p.

Liens :

- Fiche du site des éditions 10/18 : http://www.10-18.fr/bibliographie-auteur-26063.html

- Article du 'Magazine littéraire' sur l'auteur : http://www.magazine-litteraire.com/content/recherche/article?id=12870 

- Page wikipedia sur Gyles Brandreth : http://en.wikipedia.org/wiki/Gyles_Brandreth 

 

 

 

 

 

 

 

11 janvier 2010

Les films à venir au cinéma

   Que nous réserve le début de l'année 2010 au cinéma? En voici un petit aperçu, à travers une sélection de quelques-unes des sorties prometteuses qui se feront d'ici le mois d'avril. S'il est impossible de dire dès à présent si les résultats seront à la hauteur, la nouvelle année cinématographique en promet pour tous les goûts!

brigh_star ''Bright Star'' - Sorti le 6 janvier

Drame romantique réalisé par Jane Campion. Avec Abbie Cornish et Ben Whishaw.

La description de la passion amoureuse qui lia en 1818 le poète John Keats, alors âgé de 23 ans, et sa voisine Fanny Brawne. D'abord réticente à la poésie, Fanny est intriguée par les poèmes de Keats qui l'attire. Celui-ci est à son tour conquis lorsque la jeune femme s'occupe de son frère malade. Mais le couple passionné doit bientôt faire face à de nombreux obstacles, dont la pauvreté du jeune homme...  Avec Ben Whishaw, découvert dans l'adaptation du ''Parfum''.

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=AcaXEHmP4eE&feature=related

''Invictus'' - Sortie le 13 janvier.                                                                                         

invictusBiopic réalisé par Clint Eastwood et produit par la Warner. Avec Matt Damon, Morgan Freeman et Scott Eastwood. 

Le nouveau Eastwood! En 1994, l'élection de Nelson Mandela consacre la fin de l'Apartheid, mais l'Afrique du Sud reste une nation profondément divisée sur le plan racial et économique. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Mandela mise sur le sport, et fait cause commune avec le capitaine de la modeste équipe de rugby sud-africaine. Leur pari : se présenter au Championnat du Monde 1995...

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watchv=E9Ovkye6lac       

gainsbourg''Gainsbourg, vie héroïque'' - Sortie le 20 janvier.

Biopic de Joan Sfar. Avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta et Philippe Katerine.

La très attendue biographie de Gainsbarre par le dessinateur de ''Le chat du rabbin''. De l'enfance du chanteur dans la France occupée à sa mort en 1991.

Bande-annonce : http://www.youtube.com/watch?v=Gkn0HTADiYo   

''Océans'' - Sortie le 27 janvier                                                     tn_oceans_10778_1305487181

Documentaire de Jacques Perrin et Jacques Cluzand.

" Filer à 10 noeuds au coeur d'un banc de thons en chasse, accompagner les dauphins dans leurs folles cavalcades, nager avec le grand requin blanc épaule contre nageoire... Le film Océans c'est être poisson parmi les poissons. Après Himalaya et Le Peuple migrateur, Jacques Perrin nous entraîne, avec des moyens de tournage inédits, des banquises polaires aux tropiques, au coeur des océans et de ses tempêtes pour nous faire redécouvrir les créatures marines connues, méconnues, ignorées. Océans s'interroge sur l'empreinte que l'homme impose à la vie sauvage et répond par l'image et l'émotion à la question : " L'Océan ? C'est quoi l'Océan ? "

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=CUWf4mSYq28

affiche_La_Princesse_et_la_grenouille_The_Princess_and_the_Frog_2009_3''La princesse et la grenouille'' - Sortie le 27 janvier 

Dessin animé de Walt Disney Pictures.

A la suite d'un sort jeté par un terrifiant magicien vaudou, le Prince Naveen de Maldonia se retrouve transformé en grenouille. Seul un baiser d'une princesse peut le délivrer de cette apparence. Naveen croit trouver en Tiana - en réalité serveuse - la princesse en question. Le baiser n'est ainsi d'aucun effet sur lui, mais transforme à son tour Tiana en grenouille...

Bande-annonce : http://www.youtube.com/watch?v=usknkMx8Dk0

''Brothers'' - Sortie le 3 février                                                                             brothers_l_affiche_et_la_bande_annonce1

Drame réalisé par Jim Sheridan. Avec Nathalie Portman, Tobey Maguire et Jake Gyllenhaal.

Sam et Tommy sont deux frères que tout oppose : Sam est un soldat, bon père de famille, marié à sa petite amie de lycée avec qui il a eu deux filles ; Tommy, son jeune frère charismatique, vient quant à lui de sortir de prison. Sam envoyé en Afghanistan, Tommy se retrouve à veiller sur la famille de son frère. Peu à peu, la belle-soeur et le beau-frère se rapprochent...

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=kJtEUfSAfOk

''Sherlock Holmes''  - Sortie le 3 février

Film d'action réalisé par Guy Ritchie. Avec Robert Downey Jr, Jude Law, Rachel McAdams.   

02567990_photo_affiche_sherlock_holmesUne menace sans précédent plane aujourd'hui sur Londres. Après qu'une série de Sherlock_Holmes_Poster_Watson_France         meurtres  rituels a ensanglanté Londres, Holmes et Watson réussissent à intercepter le coupable : Lord Blackwood. A l'approche de son exécution, ce sinistre adepte de la magie noire annonce qu'il reviendra du royaume des morts pour exercer la plus terrible des vengeances. La panique s'empare de la ville après l'apparente résurrection de Blackwood. Scotland Yard donne sa langue au chat, et Sherlock Holmes se lance aussitôt avec fougue dans la plus étrange et la plus périlleuse de ses enquêtes...

Bande-annonce : http://www.youtube.com/watch?v=_rGwJZdBUzY

''Percy Jackson et le voleur de foudre'' - Sortie le 10 février

percyFilm fantastique réalisé par Chris Colombus. Produit par la Twentieth Century Fox. Avec Logan Lerman, Pierce Brosnan et Uma Thurman.

Après Harry Potter et Twilight, voici la nouvelle saga fantastique! Dans ce premier volet, Percy Jackson découvre qu'il est le descendant d'un dieu grec. Avec l'aide d'un satyre et de la fille d'Athéna, il s'engage dans une dangeureuse aventure pour résoudre la guerre entre les dieux...

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=8CIF_kH2mWI

'''I love you Philip Morris''' - Sortie le 10 février                                                                     iloveyou

Comédie dramatique réalisée par Glenn Ficarra et John Requa. Produit par EuropaCorp. Avec Jim Carrey et Ewan McGregor.

L'histoire vraie d'un ex-flic, ex-mari, ex-arnaqueur aux assurances, ex-prisonnier modèle et éternel amant du codétenu Phillip Morris. Steven Russell est prêt à tout pour ne jamais être séparé de l'homme de sa vie. Ce qui implique notamment de ne pas moisir en prison. Jusqu'où peut-on aller par amour? Très loin si l'on en croit cette histoire.

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=eylE5BPy8NY

mrfox"Fantastic Mr Fox" - Sortie le 17 février 

Film d'animation réalisé par Wes Anderson. Produit par Fox Searchlight. Avec les voix américaines de George Clooney,Meryl Streep et Jason Schwartzman.

D'après le livre pour enfants écrit par Roal Dahl. Madame et Monsieur Renard mènent une vie de famille idyllique avec leur fils, Ash et leur jeune neveu Kristofferson, qui est en visite. Mais, après douze ans de vie familiale paisible, l'existence bucolique est trop pesante pour les instincts animaux de Monsieur Renard. Très rapidement, il revient à son ancienne vie de voleur de poulets et, ce faisant, met en péril non seulement sa famille bien-aimée, mais aussi la communauté animale tout entière. Coincée sous la terre, sans assez de nourriture pour tout le monde, les animaux commencent à se rassembler pour lutter contre Boggis, Bunce et Bean, trois fermiers déterminés à saisir l'audace de monsieur Renard à tout prix.

Bande-annonce : http://www.dailymotion.com/video/xbm5fs_fantastic-mr-fox-bandeannonce-vost_shortfilms

"Shutter Island" - Sortie le 24 février                         shutter_island

Thriller réalisé par Martin Scorsese. Produit par Paramount Pictures. Avec Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo et Ben Kingsley.

Avec cette adaptation d'un polar de Dennis Lehane ( Mystic river, Gone baby gone), Martin Scorsese retrouve pour la quatrième fois son nouvel acteur fétiche, Leonardo DiCaprio. Au large de Boston, sur un îlot nommé Shutter Island, se dresse un hôpital psychiatrique pour assassins. L'inspecteur Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule ont été appelés par les autorités car l'une des patientes, Rachel Solando, manque à l'appel. Comment a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée à clé de l'extérieur ? Le seul indice : une feuille de papier sur laquelle on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Oeuvre incohérente d'une malade ou cryptogramme ? Les deux policiers s'enfoncent dans un monde de plus en plus opaque et angoissant...

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=5y56avZLZPY

a_single_man"A single man" - Sortie le 24 février

Drame de Tom Ford. Produit par Artina Films. Avec Colin Firth, Julianne Moore et Matthew Goode.

Los Angeles, 1962. Depuis qu'il a perdu son compagnon Jim dans un accident, George Falconer, professeur d'université Britannique, se sent incapable d'envisager l'avenir. Solitaire malgré le soutien de son amie la belle Charley, elle-même confrontée à ses propres interrogations sur son futur, George ne peut imaginer qu'une série d'évènements vont l'amener à décider qu'il y a peut-être une vie après Jim.

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=CtIqc7ba4Gs&NR=1

"Nine" - Sortie le 3 mars         

nineComédie musicale réalisée par Rob Marshall. Avec Daniel Day-Lewis, Nicole Kidman, Penelope Cruz, Judi Dench.

La nouvelle comédie musicale du réalisateur de "Chicago", inspirée par 8 1/2 de Fellini. Guido Contini est le plus grand réalisateur de son époque. Vénéré par les critiques et adulé par le public, il n’a qu’un seul point faible : les jolies femmes ! Tiraillé entre sa sublime épouse et sa sulfureuse maitresse, harcelé par une séduisante journaliste, subjugué par la star de son prochain film, Guido ne sait plus où donner de la tête. Soutenu par sa confidente et sa mère, parviendra-t-il à résister à toutes ces tentations ?

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=koxoIPOUs64

alice"Alice au pays des merveilles" - Sortie le 7 avril.

Réalisé par Tim Burton. Produit par Walt Disney Picture. Avec Mia Wasikowska, Johnny Depp, Helena Bonham Carter et Anne Hathaway.

Le nouveau Tim Burton, en 3D! Désormais âgée de 19 ans, Alice retourne à Wonderland, devenu un univers sombre et inquiétant. Son rôle? Sauver le monde de la tyrannie de la Reine Rouge et libérer la Reine Blanche.

Bande-annonce :  http://www.youtube.com/watch?v=6n6dzJjtIRs

Christine Brion.

22 décembre 2009

"La Nuit des Rois" ou "Rien n'est ce qu'il est"

Trois ans après "Pygmalion", Nicolas Briançon renoue avec la patrimoine littéraire anglo-saxon. Cette fois-ci au programme : "La Nuit des Rois", au théâtre Comédia. Une mise en scène légère pour un divertissement enlevé.

Si on ne retient souvent que les drames shakespeariens, les comédies ne sont pourtant pas à   La_Nuit_Des_Rois_theatre_fiche_spectacle_unenégliger dans la carrière du plus grand dramaturge britannique. Parmi celles-ci, "La Nuit des Rois", présumément écrite entre 1599 et 1601. Originalement intitulée "Twelfth Night", or What you will', la pièce a sans doute été représentée pour la première fois le 6 janvier 1602, jour de l'Epiphanie. La tradition voulait alors que cette fête chrétienne soit précédée de douze jours de réjouissances placés sous le signe du désordre, en lointain écho aux Saturnales. Un temps de parenthèse, caractérisé par la suspension des règles de morale. Somme toute, une courte période de transgression.

L'intrigue de la pièce prend place en Illyrie, province imaginaire. Suite à un naufrage, deux jumeaux, Sébastien et Viola, se trouvent séparés. Afin d'assurer sa protection, Viola se fait passer pour un jeune homme, Césario, et est engagée comme page chez le duc Orsino. Elle tombe sous le charme de ce dernier, mais se voit contrainte d'intercéder en faveur de son maitre auprès de la comtesse Olivia dont est amoureux le duc. Si Olivia rejette la plainte d'Orsino, elle est immédiatement troublée par le jeune page androgyne qui la transmet... A cette intrigue principale s'en rajoutent d'autres, secondaires, sur un mode grotesque et trivial.

lanuitdesrois1Mêlant ainsi sujets graves et légers, "La Nuit des rois" reprend notamment une des thématiques chères au théâtre de Shakespeare : l'opposition entre l'illusion et la réalité, les faux-semblants et la vérité. Ici, aucun personnage n'est ce qu'il paraît, tout en croyant que l'autre est bien ce qu'il semble être. Comme le dit si bien Feste, le fou d'Olivia qui semble paradoxalement être le seul à voir clair dans cet univers, « Rien n'est de ce qui est ». L'exemple le plus frappant en est le personnage de Viola, contrainte de se déguiser en homme comme l'héroïne de "Comme il vous plaira". Une confusion des genres accentuée à l'époque élizabéthaine où les femmes se voyaient interdire de jouer sur scène. Le personnage de Viola était alors de fait interprété par un homme jouant une femme... déguisée en homme.

La mise en scène de Nicolas Briançon, créée pour le 60 ème anniversaire du Festival d'Anjou dont il assure la direction artistique, est clairement guidée par la volonté de faire ressortir l'aspect comique de la pièce. Le choix de l'affiche en témoigne notamment. Pour le metteur en scène : « Rien n'a été écrit de plus drôle, de plus réjouissant que cette pièce, sur l'amour, le désir, le mensonge, l'ivresse et la passion. » S'en ressent la vivacité de la pièce, où tout va vite, très vite. Les quiproquos et les méprises s'enchainent en effet les uns après les autres entre les multiples personnages, jusqu'au bouquet final où les quatorze acteurs figurent sur scène.

La mise en scène déplace également ici le cadre du jeu. Nous ne sommes plus dans l'Angleterre  la_nuit_des_rois3élizabéthaine, mais dans celle du début du Xxème siècle, « quelque part entre les années 1920 et les années 1930 ». Une modernité soulignée entre autres par les coupes à la garçonne et la brève présence d'une bicyclette qui souligne le mouvement du fil narratif. De temps à autre, quelques éléments nous transposent encore dans d'autres contrées, comme les kilts de Sir Toby et Sir Andrew, bouffons au comportement fort éloigné de leur titre de chevalier. Les références faites sont même occasionnellement plus récentes, comme lorsque le spectateur découvre une Olivia lascivement étendue sur son transat, des lunettes de soleil sur les yeux, telle une Lolita échappée de chez Kubrick.

276309_chloe_lambert_et_arie_elmaleh_dans_la_637x0_3Côté interprétation, quatorze acteurs vifs et dynamiques, emportés par leur rôle. S'il serait trop long de traiter de tous, évoquons en quelques-uns. Mise en avant par les critiques, Sara Giraudeau campe une Viola fraiche et juvénile. Chloé Lambert est elle une Olivia passionnée et pleine de charme. Henri Courseaux, Yves Pignot et Jean-Paul Bordes composent quant à eux un irrésistible trio comique. Enfin, Arié Elmaleh surprend dans le rôle du bouffon dont les propos espiègles sont ponctués de chansons accompagnées de quelques accords au yukulélé. De jolis intermèdes musicaux qui renvoient à la tradition théâtrale anglo-saxonne.

Là où le bât blesse en fin de compte un peu, c'est dans le parti pris scénique lanuitdesroisd'accentuer l'humour de la pièce au détriment d'autres aspects, plus sombres ou dramatiques. Ainsi, le travestissement de Viola est ici davantage traité comme un simple gag, source de quiproquos, que comme une source de réel trouble pour le personnage. On se retrouve loin de la portée d'un 'Victor Victoria' de Blake Edwards par exemple, et ce malgré le choix intéressant de faire également interpréter les pages du duc d'Orsino par des femmes.

L'adaptation du texte original par Jean-Michel Desprats ne convaint elle-aussi pas pleinement. Sa version, beaucoup plus moderne, se livre par moments à des emprunts à la langue contemporaine. Un choix qui s'apparente limite à de la réécriture, et se révèle tantôt amusant tantôt agaçant.

Deux points faibles donc, dans une mise en scène où l'humour l'emporte au fond sur la poésie, mais au plaisir théâtral communicatif et qui mérite par conséquent d'être vue. Comme le dit Nicolas Briançon, « La Nuit des Rois est une fête pour le coeur, les sens, l'esprit ». Le théâtre de Shakespeare n'est clairement pas prêt de mourir.

Christine Brion.

La Nuit des Rois de William Shakespeare, mis en scène par Nicolas Briançon, avec : Sara Giraudeau, Arié Elmaleh, Chloé Lambert, Henri Courseaux, Yves Pignot, Yannis Baraban, Jean-Paul Bordes, François Siener, Emilie Cazenave, Thibaut Lacour, Aurore Stauder, Sophie Mercier et Pierre-Alain Leleu. Au Théâtre Comédia, jusqu'au 3 janvier 2010.

Liens : - page du spectacle : http://www.theatrecomedia.fr/affiche.html

- reportage diffusé en août 2009 sur France 3 : http://culturebox.france3.fr/all/14335/Sara-Gir#/all/14335/Sara-Gir/

9 décembre 2009

James Ensor au Musée d'Orsay : une oeuvre déconcertante et fascinante

Du 20 octobre au 4 février, le Musée d'Orsay consacre une rétrospective à l'oeuvre du peintre et dessinateur belge James Ensor. Une invitation à la (re)découverte d'une oeuvre éclectique et polymorphe.

ensor_retrato  Etrange. Audacieuse. Troublante. Trois adjectifs qui jaillissent dans l'esprit du visiteur à la vue des oeuvres de James Ensor. Né en 1860 à Ostende et mort en 1949, l'artiste méconnu a laissé une oeuvre complexe et variée. L'exposition du Musée d'Orsay, réalisée conjointement avec le MOMA, en rend compte à travers un parcours en quatre grandes étapes.


  L'exposition s'ouvre avec '"Une modernité", qui présente les débuts naturalistes d'Ensor. Une sélection de paysages, de natures mortes, de portaits et de scènes de genre. L'inspiration est alors puisée dans la Mer du Nord et l'appartement familial du peintre.

  La deuxième étape, "Je suis noble par la lumière", se focalise sur le goût d'Ensor pour ce qu'il qualifiait d'antithèse de la ligne et de "puissance unificatrice et spirituelle". Les toiles du peintre revêtent alors une dimension mystique, proche du style de William Turner. Sa quête culmine dans une série de dessins, "Les Auréoles du Christ ou les sensibilités de la lumière".

  Un profond tournant s'opère avec le passage à la troisième partie de l'exposition, 'Partout la bizarrerie domine'. Rejettant le naturalisme de ses débuts, Ensor se rapproche de l'expressionnisme, courant favorable à la description des états d'âme. Il s'agit ici de la partie la plus connue et sans doute la plus intéressante de l'oeuvre de celui qui fut nommé par le poète Emile Verhaeren "le peintre des masques". Ces derniers, initialement de simples objets, deviennent peu à peu le reflet des sentiments humains, parfois extrèmes comme en témoigne la laideur de certains. Parallèlement, l'artiste se livre de manière générale à une dénonciation véhémente des injustices du monde.

Enfin, la dernière partie de l'exposition, "Le peintre aux 112 autoportraits", présente une sélection de ceux-ci.              L'artiste n'a en 1892_20Les_20masques_20singuliers effet jamais cessé de se représenter. Du jeune homme fringant et plein d'espoir, posant avec son chapeau fleuri, à l'homme désabusé et ridiculisé, ce sont autant d'images  d'Ensor que nous renvoie cette dernière étape.

  Quelques objets ponctuent également ce parcours. Ceux-ci sont issus du magasin familial tenu par la mère de l'artiste, lieu fantasque, source d'inspiration. On y trouve une composition de coquillages  ainsi qu'un crâne surmonté du chapeau fleuri de l'artiste, sorte de ready-made. S'y ajoute encore une étrange "sirène fidji", constituée d'une queue de poisson, d'un torse de bois sculpté et d'une tête de singe. Une oeuvre dérangeante qui interpelle le visiteur.

Ce qui frappe également ce dernier, c'est l'orgueil d'Ensor, sa confiance en son talent. Très tôt, celui-ci se considère en effet comme un précurseur. Assimilé aux impressionnistes, il déclare : «  La forme de la lumière, les déformations qu'elle font subir à la ligne n'ont pas été comprises avant moi. » Parfois rejeté par ses contemporains, le rebel Ensor se sent incompris, persécuté. Il s'identifie à plusieurs reprises au Christ, comme en témoigne l'autoportrait en croix. Ou encore "L'Entrée du Christ à Bruxelles", en une parodie de l'Evangile. Ensor considère également le monde qui l'entoure comme une vaste scène de théâtre. D'où son goût pour les masques.  Aux yeux de l'artiste, seul lui-même demeure sincère. Une croyance exprimée dans l'autoportait "Ensor aux masques" de 1898 : au milieu d'une foule de personnages costumés, le peintre est le seul à se montrer tel qu'il est, à visage découvert. Enfin, il n'hésite pas à se représenter au sein de ses propres toiles. Telle une star en devenir, il prépare de son vivant sa postérité, construit sa mythologie.

ensor

Ceci n'empêche pourtant pas l'autodérision de l'artiste. D'après un jeu de mot sur son nom, celui-ci va ainsi jusqu'à se représenter en 'hareng saur'. L'humour est également présent, du grotesque  à l'humour noir, macabre. Ainsi, une toile de "Partout la bizarrerie domine" dépeint un homme malade, en train de mourir tandis que les médecins à son chevet se disputent sur le meilleur traitement à administrer. Sur le seuil de la porte, la Mort observe la scène, amusée. De manière générale, les squelettes parsemant les toiles d'Ensor sont nombreux, signes de la vanité et de l'absurdité du monde pour cet homme pessimiste.

A la sortie de l'exposition, les avis divergents. Certains visiteurs sont choqués par cette peinture parfois virulente, souvent acide. D'autres sont fascinés, troublés. Une chose est sûre : on l'aime ou on la déteste,  mais l'oeuvre d'Ensor ne peut en aucun cas laisser indifférent.

Christine Brion.

25 novembre 2009

"Les Caprices de Marianne" par Sébastien Azzopardi: inventif et passionné

"Les Caprices de Marianne" jouent jusqu'à la fin de l'année les prolongations au théâtre Lucernaire. Une bonne occasion de se replonger dans une des plus grandes pièces de Musset, servie par une mise en scène réussie.

caprices_de_marianne_x300« Une sérénade, une trahison, un coup de poignard ». C'est ainsi que le metteur en scène Sébastien Azzopardi résume l'intrigue de la pièce. Comme "On ne badine pas avec l'amour", elle repose sur un triangle amoureux. Celui qui rassemble dans un même filet dont ils essaient de se débattre Marianne, Coelio et Octave. Le timide Coelio est épris de la belle Marianne. La jeune femme, mariée à l'influent Claudio, reste insensible à sa plainte. Coelio fait ainsi appel à son ami Octave, libertin notoire et cousin de Marianne, afin de plaider en sa faveur auprès de la jeune femme. Mais loin de l'effet escompté, Marianne tombe peu à peu amoureuse d'Octave...

Les pièces de Musset sont souvent considérées comme particulièrement difficiles à mettre en scène mais la mise en scène de Sébastien Azzopardi est ingénieuse. Le choix opéré ici est celui de décors sobres, quasi minimalistes : une rupture  avec les nombreux changements de décors de la mise en scène originelle qui permet de se concentrer sur l'essentiel. La scène, en arc de cercle, est entourée de toiles tendues qui suscitent une atmosphère de secrets et de mystère. L'éclairage joue avec celles-ci. Ainsi, lorsque Coelio, emporté par ses rêves, croit voir Marianne qui l'appelle, une lumière projetée sur une des toiles fait apparaître la jeune femme placée derrière celle-ci. Quand le jeune homme s'en rapproche enfin, la lumière cède la place à l'ombre, et Marianne disparaît : l'illusion du personnage est dissipée.

Selon la vision du metteur en scène, le spectateur se retrouve ici pris « dans le tourbillon du carnaval napolitain ». Les costumes s'inspirent ainsi du folklore italien. Les masques utilisés symbolisent le jeu, les illusions des personnages sur eux-mêmes et sur le monde qui les entoure. Les faux-semblants tiennent en effet une place importante dans cette pièce écrite en 1833 par un Musset trompé par George Sand, désabusé.

Quant à la musique, nul enregistrement. Ce sont les acteurs eux-mêmes qui chantent ou jouent des partitions du répertoire populaire italien. Ce sont également eux qui créent en coulisse les effets sonores.

capricesmarianneoctaveLe texte de Musset est l'objet à deux reprises d'interprétations personnelles. Ainsi, dans l'acte II scène 3, Claudio a recours au viol afin de rappeler à Marianne qu'il est son maître. Dans la scène suivante, l'entrevue d'Octave et Marianne se termine par des étreintes passionnées. Rien dans le texte ne suggère clairement ces deux visions. Néanmoins, les deux ne font que renforcer l'intensité de la pièce et de la représentation.

Pour interpréter les neuf rôles du drame, six comédiens-musiciens-chanteurs, issus de la Compagnie caprices_marianne_azzo_lucernaire_lot__4_Sébastien Azzopardi. Tous sont remarquables. Grégoire Bourbier campe un Coelio mélancolique, mais loin d’être fade. Diaphane, son personnage est touchant dans son incapacité à communiquer ses sentiments et son impuissance face au mauvais tour que lui joue le sort. Helen Harle – en alternance avec Elisa Sergent – parvient à retranscrire avec justesse toutes les phases par lesquels passe Marianne, de la dévote au coeur froid à la femme libre et passionnée. Enfin, Christophe de Mareuil – en alternance avec Sébastien Azzopardi lui-même – s'il déroute initialement par un jeu nonchalant, ne cesse de gagner en intensité tout au long de la pièce, déployant un charisme ravageur.

Au final, trois interprétations tout en nuances qui rendent compte du formidable mélange de genres de ce drame romantique. Car on est bien ici perpétuellement sur le fil du rasoir. Comme le dit Sébastien Azzopardi, « le désir et la passion dévorent chacun de ces personnages, jusqu'à les entrainer au bord du précipice. » De la comédie au drame, il n'y a au fond qu'un petit pas. Un petit pas ouvrant la porte sur un grand plaisir théâtral.

Christine Brion.

Liens :

- Page sur 'Les Caprices de Marianne' : http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Caprices_de_Marianne

- Site du Lucernaire : http://www.lucernaire.fr/

- Site web de la Compagnie Sébastien Azzopardi : http://www.compagniesebastienazzopardi.com/ 


12 novembre 2009

"Soyons philosophes !"

Créée il y a plus d'un an, l'émission "Philosophie" est un rendez-vous innovant et audacieux qui invite à philosopher autrement.

                        

enthovenMonter à la télévision une émission traitant de philosophie n'est pas chose aisée. Arte a pourtant relevé le défi il y un an avec la création de "Philosophie". Ce magazine de 26 minutes est diffusé chaque dimanche à 12h30. La présentation en revient à Raphaël Enthoven, normalien, chroniqueur sur France Culture et auteur d'un ouvrage intitulé La philosophie, un jeu d'enfant.

Loin des habituels studios de télévision, l'émission est ici filmée dans une ancienne usine du XIème arrondissement parisien. De la verrière de la cour aux étages, la caméra suit les déambulations physiques mais surtout philosophiques de l'animateur et de son invité de la semaine, un professeur de la discipline en question. Symboliquement, le magazine débute et se termine dans la rue.

En effet, il s'agit bien de démocratiser une discipline souvent considérée comme élitiste. Une volonté de vulgarisation comparable à celle du mensuel "philosophie magazine" créé il y a trois ans. Ici, nul discours alambiqué. Pour Raphaël Enthoven, également producteur de l'émission, il s'agit de « parler simplement de choses difficiles sans les simplifier, sans les affadir ». Le magazine se veut non une émission sur la philosophie mais une émission de philosophie, conduisant le téléspectateur à des prises de conscience.

L'émission est articulée autour de thèmes génériques : le pouvoir, l'amour ou encore l'amitié. L'animateur et son invité échangent, soulèvent des pistes, parfois s’insurgent. Le tout à partir d'images – historiques ou actuelles –, d’objets ou de citations. Ceux-ci appuient ou relancent le propos, ouvrent de nouvelles perspectives. Le but est en effet de faire surgir un questionnement philosophique à partir de l'observation du réel.

Dans une visée pédagogique, les noms, concepts et grandes idées apparaissent sur l'écran. Raphaël Enthoven a parfois recours à l'explication quand certaines notions demeurent obscures. Enfin, la toute fin de l'émission présente un résumé des quelques grandes idées développées.

Le tout en un seul plan séquence. Pourquoi un tel choix? Raphaël Enthoven explique : « C'est la façon que j'ai trouvée de ne pas mentir, de ne pas tricher. Chaque émission est improvisée et imparfaite. [...] Accepter d'être imparfait, c'est accepter de dire ce qui nous vient à l'esprit quand on a envie de le dire ». Une liberté de ton appréciable pour une émission qui invite au voyage de la pensée. Prochaine direction?  'Le Cinéma', le 6 décembre. Un départ à ne pas manquer en compagnie de celui pour qui « la philosophie est une façon de répondre au monde par le sourire, une école de légèreté ».

Christine Brion.

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De l'autre côté du miroir
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